
Tranche de vie
Yvette Gaulon se souvient ...
Les anciens se souviennent évidemment du "Robert", c'est ainsi que tout le monde à Montreuillon connaissait le forgeron et maréchal-ferrant, Robert Gaulon.
Il a pris la succession de son père Félix en 1948.
On se lève tôt à la campagne et dès l'aube, il allumait le foyer de la forge. Il actionnait un énorme soufflet placé au dessus du feu pour activer les braises et que tout soit prêt dès 6 heures : à cette heure, les clients attendaient déjà à l'entrée de la forge.
Il chauffait au rouge les pièces à façonner . Le métal ayant l'épaisseur et la longueur voulues était ensuite mis en forme sur l'enclume, à grands coups de marteau.
Les fers prêts étaient gardés au chaud pendant qu'il déferrait le cheval, nettoyait les sabots à l'intérieur avec le cure-pied, il recoupait la corne avec le rogne-pied sur lequel il tapait avec le marteau. Il la râpait, la limait, et appliquait alors le fer rouge bien en place à l'aide du marteau, une forte odeur de corne brûlée se répandait dans l'air, le fer était alors refroidi dans un grand récipient d'eau froide, le ferrage pouvait commencer.
La patte du cheval maintenue solidement grâce à une lanière de cuir, se trouvait relevée vers l'arrière par un comparse et le fer mis en place, il restait à enfoncer les clous dans les trous préformés, à les recouper à l'aide d'une tenaille ou tricoise et à retourner les extrémités au marteau.
Les bœufs ne peuvent pas garder l'équilibre sur 3 pattes aussi étaient ils ferrés à l'aide d'un "travail" ou "détrait". Ils étaient attachés et soutenus grâce à une ceinture ventrale qui les immobilisait un peu au dessus du sol.
En tant que forgerons, Robert et avant lui son père Félix fabriquaient un peu n'importe quel pièce ou outils nécessaires à l'agriculture et à la vie courante, les socs de charrue, lames de faux, piochons, bandages des roues de charrette ou de tombereau, etc.
Encore aujourd'hui, certains de ses outils sont en service.
Dans les années 1960, l'arrivé de la mécanisation et les premiers tracteurs engendrèrent le déclin du métier et la forge fermera en 1965.
Bien sûr, il en reste quelques uns pour ferrer les chevaux de randonnée, mais le véritable artisan n'est plus indispensable.
Yvette et Robert s'en allèrent pour de nouvelles aventures, mais comment oublier la passion de son métier ? Robert avait l'âme d'un artiste et une fois en retraite il fabriqua de superbes maquettes pour se souvenir du bon vieux temps.