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Environnement

Gestion des bassins versants

Le canal du nivernais

Relier la Loire à la Seine : un vieux rêve maintes fois remis en question !


 

 

Sommaire

 

Montreuillon est situé sur la ligne où se séparent les eaux de l'Yonne et celles de de la Loire.

Situé 10 km à l'ouest, c'est La Collancelle emplacement du bief de partage3 du canal du nivernais.

La rigole d'Yonne qui l'approvisionne traverse la commune et la vallée de l'Yonne ... sur les 3 aqueducs de Montreuillon.

Le village, est depuis toujours concerné par le canal du Nivernais. Il a longtemps vécu au rythme des vissicitudes qui ont accompagnées sa construction et sa gestion.

 

Flottage et canal du Nivernais, un feuilleton à rebondissements

L'histoire du canal du Nivernais est intimement liée à celle du flottage et du transport du bois de chauffage sur Paris.

 

La demande parisienne

Dès le xvie siècle, la question de la démographie parisienne se posait déjà avec gravité :

  • la population avait triplée en 60 ans, passant de 100 000 habitants en l'an 1500 à 294 000 en 1565
  • la première source d'énergie était le bois
  • toutes les forêts proches de la capitale avaient déjà été exploitées

 

Le bois du Morvan

L'immense massif forestier du Morvan attirait bien des convoitises, d'autant plus que nombre de nobles et riches bourgeois parisiens possédaient des propriétés dans la région.

Mais il fallait acheminer ce bois !
Impossible de le faire par la route : il en existait très peu, elles étaient en mauvais état, mais surtout, la demande portait sur des centaines de milliers de stères chaque année et toutes les charettes du Morvan n'y auraient pas suffit.

Le flottage à bûches perdues dans le Haut-Morvan

Les inondations de Paris provoquées si souvent par les crues de l'Yonne donnèrent des idées : pourquoi ne pas provoquer des crues controlées qui transporteraient les bûches ?

C'est au milieu du xvie siècle que la méthode de flottage "à bûches perdues"13 sur l'Yonne et ses affluents fut mise au point :

  • Des milliers de petits étangs en amont des ruisseaux furent créés, pour être en mesure de provoquer une crue artificielle d'environ 2 pieds (65 cm) sur la rivière.

  • Des dispositifs d'arrêt et d'orientation des flots, de perthuis, de gauthiers, de protection des moulins, furent mis en place.
  • Enfin, des milliers d'ouvriers et de cadres furent embauchés, les artisans de la région mobilisés.

 

Le Haut Morvan était en mesure d'envoyer des centaines de milliers de stères jusqu'à Clamecy.

Les "trains de bois"

Une fois la moulée arrivée à Clamecy-Lucy (flottage sur l'Yonne et le Beuvron) ou a Vermenton-Cravant (flottage sur la Cure), il fallut surmonter la difficulté de flottabilité de l'Yonne.

A partir de Cravant-Coulange-sur-Yonne, le bois pouvait être chargé sur des "margotats"28 mais leur contenance était très insuffisante pour écouler toute la production. De plus, la présence de hauts fond les empêchaient de se risquer plus en amont.

C'est alors que Jean Sallonnier mit au point un système de radeau modulable de 50 cm de haut sur 75 m de long et 4.5 m de large : les "trains de bois" 16 capable d'acheminer 200 stères par voyage.

A l'apogée du flottage, en 1802, 3535 "trains" furent confectionnés à Clamecy et dans les ports d'aval (Yonne) et 1051 à Vermenton (Cure).

Cela représentait 90% du bois consommé à Paris.

Après la mise en service du canal du nivernais, ils disparurent et le relais fut assuré par les "flûte de Bourgogne"17.

Le bois du Bazois"

Pourtant, la ressource n'était pas inépuisable : en 1782, l'hiver fut rude et le combustible manquait à nouveau dans la capitale.

Le Morvan ne suffisait plus !

Louis XVI demanda alors à ses services d'étendre l'exploitation aux forêts du Bazois et pour cela de régler le problème du franchissement de la ligne de partage entre les bassins versants2 ligérien20 et icaunais19.

Des expériences avaient déjà été faites sur le Touron et le Beuvron mais il s'agissait maintenant d'envoyer le bois en grosse quantité, directement sur l'Yonne : ce fut le début de l'épopée du canal du nivernais !

 

Train de bois à Paris
Arrivée d'un train de bois
quai de la Rapée à Paris
Margotat
Margotat
Le 'canal' du Touron
Le 'canal' du Touron

 

 

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Canaux et "flottage des petites rivières"14

Le Beuvron

Le Beuvron est un affluent de l'Yonne qui prend sa source dans la forêt de Tronçay (commune de Saint-Révérien), à moins d'1 km de la ligne de partage des eaux entre le bassin de la Loire et celui de l'Yonne.

Il prend tout de suite une orientation Sud-Nord et se jette dans l'Yonne 40 km plus loin, à Clamecy.

Son débit est de 3.1 à 4.6 m³/s de décembre à mars mais il subit un étiage12 très prononcé de 0.46 m³/s de juillet à septembre.

 

La Vaucreuse ou le premier canal du nivernais

Source principale : Michel Geoffroy

Au début du xviie siècle, Jean de Gert, "Maître des écluses" de Louis XIII, imagina relier la Loire à l'Yonne en passant par l'Aron et le Beuvron, mais son projet resta dans les cartons.

En 1648, sous le règne de Louis XIV, le Comte François de Damas10 Seigneur de Crux, voulait vendre son bois à Paris.

Pour le transporter, il entreprit de le "flotter"13 et pour celà de détourner une partie des eaux de l'Aron (coté Loire) et de rejoindre près de sa source (coté Seine) le Beuvron qui se jetait dans l'Yonne à Clamecy.

Le 10 juin 1648, il chargea donc l'Ingénieur Claude Marceau et le marchand de bois Léonard Goury de réaliser son projet.

Ils creusèrent une tranchée qui traversait la forêt de Tronçay sur une distance de 4.8 km, depuis l'étang d'Aron jusqu'au hameau des Angles proche de la source du Beuvron.

Ce canal appelé la Vaux (voie) creuse, (aujourd'hui Vaucreuse) mesurait environ 1,8 m de large et 1 m de profondeur. Mais par la suite, il s'est agrandi par l'action de l'eau et le frottement des bûches jusqu'à former une tranchée de 20 m de large et plus par endroit et profonde de 10 m.

Au-dessus de l'Aron, ils construisirent un petit aqueduc en bois suspendu de 140 m de long sur 2 m de large et 50 cm de profondeur pour franchir le cours d'eau.

En 1780 l'un des descendant du Comte (probablement Louis-Etienne-François de Damas-Crux10) compléta de 7 km le dispositif en barrant la Resse, petit ruisseau tributaire de la Nièvre d'Arzembouy (bassin ligérien) et ainsi créa l'étang de Ligny.

Il le relia ensuite par un petit canal qu'il barra à nouveau pour créer l'étang de Fond-Thomas.

Ils fit creuser à partir de là une rigole qui descendait rapidement entre Forcy et Moussy contournait l'étang de Chausselage passait sur l'aqueduc en bois pour déboucher finalement dans la Vaucreuse de 1648.

Après 4 siècles, force est d'admirer le travail titanesque que représentait cette entreprise : tranchées dans le grès, ouvrages d'art en pierres taillées, ... La forêt a maintenant repris ses droits, mais la Vaucreuse, premier véritable canal à relier le bassin de la Loire et celui de la Seine est encore visible : il reste à espérer qu'elle ne disparaîtra pas sous les bulldozers pour satisfaire les besoins à court-terme de notre "civilisation".

L'expérience du canal du Nivernais actuel (1841) qui devait être comblé car jugé inutile et qui aujourd'hui est le deuxième plus fréquenté de France par le tourisme fluvial, conduit pour le moins à réfléchir !.

 → En savoir plus sur la Vaucreuse  …

 

Le canal du Treigny - l'Arthel

A la même époque, sans avoir à traverser la ligne de partage des eaux, le flottage put s'organiser sur la rivière d'Arthel.

Il fallut creuser un canal de 4 km pour contourner le moulin de Treigny et atteindre le Beuvron (carte et encart)

 

 

Le canal de Treigny sur l'Arthel
Le canal de Treigny sur l'Arthel
Ancien passage du tacot
Ancien passage du tacot à coté de la Vaucreuse
La Vaucreuse - profondeur 10 m aujourd'hui
La Vaucreuse - profondeur
1 m en 1648 et 10 m aujourd'hui

 

 

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Le difficile flottage des petites rivières

Le flottage sur l'Yonne et la Cure s'améliorait de saison en saison pendant plus de 2 siècles.

Cependant Paris s'agrandissait et l'exploitation des forêts du Bazois donc du passage de la ligne de partage devenait de plus en plus urgente. En 1782 (année de la pénurie de bois à Paris) seule la Vaucreuse le permettait

Malheureusement, pour des raisons économiques et techniques, le flottage sur le Beuvron ne put jamais rivaliser avec celui de l'Yonne ou de la Cure. E.Guillien Académie du Morvan (1999) montra que le bénéfice obtenu était réel mais peu important.

De plus le bassin versant du Beuvron atteignait seulement les 264 km² et il subissait une période d'étiage sévère de 3 mois par an.

Par ailleurs, les moulins et les forges étaient nombreux, imposant de passer 14 vannes sur le Beuvron et 18 sur le Sauzay !

Enfin une difficulté supplémentaire se présentait en approchant de Clamecy, au confluent du Sauzay et du Beuvron au lieu-dit La Fourche : les flots de bois étaient "tirés" empilés pêle-mêle, pour être regroupés rejetés et descendus en "flots communautaires" jusqu'à la râcle de La Forêt pour éviter les mélanges avec le bois du Haut-Morvan.

A la révolution une rigole fut creusée depuis La Fourche jusqu'à la râcle de La Forêt, la "rigole des marchands".

Ceci améliora les opération de traitement de la moulée, mais cette solution restait bien en deça des besoins.

Le dernier "flot des petites rivières" arriva à Clamecy en 1891 et la rigole des marchands fut comblée en 1900 !

 

La Vaucreuse sous la route de Forcy à Moussy
La Vaucreuse sous la route de Forcy à Moussy
la Vaucreuse - pont Magnard
Pont sur la Vaucreuse, en aval du pont Magnard
Origine de la Vaucreuse (1780) Étang de Ligny
Origine de la Vaucreuse (1780) Étang de Ligny
La Vaucreuse, creusée dans le grès !
La Vaucreuse, creusée à la main dans le grès !
Le 'pont de fer' sur la Vaucreuse
Le 'pont de fer' sur la Vaucreuse

 

 

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L'exploitation des forêts du Bazois

Les projets

L'hiver fut très rude de 1782-83, sous le règne de Louis XVI, quand la capitale connut une telle pénurie de bois que l'exploitation des forêts du Bazois devenait urgente.

Le Maître des Eaux et forêts Ménassier se vit chargé du projet

Du coté Loire, des projets d'aménagement du ruisseau de Baye à partir de Mingot, au confluent avec l'Aron jusqu'à Bazolle étaient étudiés.

Les ingénieurs pensaient possible de passer la ligne de partage des eaux plus facilement à ce niveau que plus au nord.

Mais ils constatèrent que l'extrusion de la ryolithe s'était produite depuis Montreuillon jusqu'à la Collancelle.

A Bazolle, ce n'était donc pas plus simple de creuser un tunnel et de plus ils auraient des difficultés d'approvisionnement en eau des biefs supérieurs.

Le meilleur site était donc celui de La Collancelle proche des étangs de Baye et de Vaux

A Châtillon-en-bazois situé à 17 km de Montreuillon du coté Loire sur les rives de l'Aron, Léonard-Anne-Gabriel Marquis de Pracomtal23 souhaitait lui aussi "flotter".

Il connaissait les expériences de Crux et Arthel mais il hésitait à rejoindre l'étang d'Aron et la Vaucreuse alors qu'à Baye, Ménassier prévoyait le perçage d'une rigole de flottage, souterraine dans le porphyre et profiter du ruisseau de La Collancelle pour rejoindre directement l'Yonne à "La Chaise".

 

Une rigole de flottage

Le 10 avril 1784, le Roi signa le début des travaux d'ouverture d'un tunnel, une rigole suffisante pour permettre l'écoulement de flots, à La Collancelle. Il en confia la Direction à l'Ingénieur Aimable Hageau.

Un second arrêt ordonna cette même année le début des travaux de Baye à Châtillon-en-bazois (sous l'influence du Marquis de Pracomtal ?)

L'année 1785 fut terrible pour le morvan, pays pauvre à la population courageuse où chacun était à l'affut d'un travail qui pourrait améliorer le sort de sa famille.

Le tunnel de la Collancelle devait être taillé dans la ryolithe, mélange de roche magmatique et de granite, un matériau très dur travaillé à la dynamite et au pic.

Une difficulté apparut rapidement : des fissures s'étaient produites dans le bloc de porphyre probablement lors de la formation de la faille géologique principale toute proche et l'altération des roches avait créé des couches argileuses incluses dans le rocher ; une situation propice aux glissements de terrain et aux éboulements !

Ce petit canal de flottage nécessitait un travail très pénible et dangereux et 1200 ouvriers par jours, venant du Morvan mais aussi de toute la France et même ... des prisons (!), étaient à l'embauche chaque matin. Ils appartenaient à tous les corps de métier, voituriers, forgerons, manoeuvre, etc.

Les effondrements de galeries étaient fréquents et les accidents se comptaient par dizaines. Quand l'un d'entre eux fit 70 victimes, les ouvriers cessèrent le travail, se révoltèrent et le chantier fut arrêté.

 

Un canal navigable

En mai 1786, une commission d'évaluation scientifique fut dépêchée avec en tête l'idée d'arrêter le projet.

Elle était composée des commissaires de l'Académie des sciences, l'abbé Charles Bossut, l'abbé Alexis-Marie Rochon et du fameux Nicolas de Caritat marquis de Condorcet22.

En visionnaires, ils conclurent à l'intérêt d'étendre le projet de construction d'une simple rigole flottable à celui d'un véritable canal navigable poursuivit jusqu'à Cravant où l'Yonne était suffisamment profonde pour accueillir des bateaux à tirant d'eau important.

Il faut rappeler que jusqu'alors, il ne s'agissait que de l'alimentation en bois de chauffage de la ville de Paris et d'un simple tunnel traversant la rhyolite à La Collancelle.

La liaison Loire-Seine ouverte à du trafic commercial par péniche était une véritable révolution !

 

La Terreur

En mars 1791 les travaux s'arrêtèrent faute de financement. Un mois plus tard, le roi débloqua de nouveaux crédits mais quelques jours plus tard la famille royale était assignée à résidence aux Tuileries et le pouvoir du Roi lié par l'assemblée. En juin, la fuite de Louis XVI entraîna son arrestation.

Le 10 août 1792, c'etait la prise des Tuileries, le début de la Terreur et des massacres de septembre.

Le 21 septembre 1792, ce fut l'abolition de la monarchie constitutionnelle et l'avènement de la 1re république.

Le 21 janvier 1793, le roi était décapité, la France était en guerre avec toute l'Europe et la plupart des ouvriers du canal étaient sous les drapeaux.

 

 

Alimentation en eau par les étangs et les rigoles
Alimentation en eau par les étangs et les rigoles
Travail en conditions difficiles
Travail en conditions difficiles
Réabilitation du canal
Réabilitation du canal

 

 

 

 

 

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L'arrêt définitif du projet est envisagé

De 1792 à 1807 les travaux furent donc arrêtés, Napoléon Premier‑Consul en 1797, devenu Empereur en 1804 n'était pas intéressé par le canal du nivernais.

Il lui préférait celui de Saint-Quentin qui permettait de transporter la houille à Paris et ainsi progressivement remplacer le bois par le charbon.

Le Ministère des Finance envisagea de revendre les terrains et demanda à l'Ingénieur A. Hageau un rapport d'évaluation sur l'utilité du canal, persuadé que le sort du chantier était réglé.

Mais l'expert était honnête, les conclusions furent favorables et le chantier repris en 1809.

Malheureusement tout fut à nouveau interrompu en 1812 (c'etait la campagne de Russie, la Grande armée avait besoin de soldats !)

Louis Becquey, nouveau Directeur des Ponts et Chaussées rédigea en 1820, le fameux rapport synthétique et référent : "Rapport au Roi sur la navigation interieure de la France". Il préconisait la création de 10 000 km de canaux en France avant 1840, mais rien ne bougea.

 

Reprise des travaux et inauguration

Pour résorber le chômage, Louis XVIII fit reprendre le travail en 1822.

Tout était resté à l'abandon et il fallut réhabiliter, talus, écluses, fuites, éboulements à La Collancelle, etc.

Les fonds furent apportés par la Compagnie des 4 Canaux7, une société anonyme privée nouvellement crée auquel s'était joint un consortium d'une dizaine de banques, ce qui dynamisa la reprise du projet et aboutit à sa conclusion.

En 1824 le projet fut étendu au vu du rapport de Louis Becquey. Le canal serait prolongé jusquà Decize (Saint-Léger-des-vignes) coté Loire et jusqu'à Auxerre coté Yonne

La dynamique était enclenchée :

En 1834, un premier bateau arriva à Baye en provenance de Coulange-sur-Yonne ;

En 1835 le tronçon Baye‑Châtillon fut ouvert ;

En 1838 c'était la portion La Chaise‑Port-Brûlé coté Yonne et le 5 avril de la même année coté Loire le préfet B. Badouix ouvrit le canal de Cercy‑la‑tour à Châtillon !

L'inauguration du Canal fut célébrée dans la liesse en 1841.

Sa construction s'était étalée sur 60 ans avec environ 25 ans d'interruptions et des événements politiques d'une importance sans précédent.

Son coût initial était estimé à 8 millions de Francs‑or, il en coûta 27 millions.

 

Tunnel à La Collencelle
Passage d'un tunnel de La Collancelle
Echelles de Sardy
Les échelles de Sardy
Halage
Toute la famille était mobilisée pour le halage

 

 

 

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Epilogue à rebondissement

La rigole d'Yonne

Tout n'était pas réglé pour autant : plusieurs années consécutives de sécheresse estivale démontrèrent que les étangs de Baye et Vaux ne pouvaient pas assurer seuls un fonctionnement correct du canal.

Cela rendit nécessaire la construction d'une rigole d'alimentation du bief de partage, ce fut la rigole d'Yonne un canal de 28 km pour 15 m de dénivellation, qui captait l'eau de l'Yonne au pont de "Pannessière".

Cela entraîna la construction de trois aqueducs sur la commune de Montreuillon. Cette fois, les travaux furent menés à terme rapidement et l'inauguration de la rigole put se faire en 1843. Le canal était pleinement fonctionnel !

 → En savoir plus sur la rigole d'Yonne  …
 → En savoir plus sur les aqueducs de Montreuillon  …

 

la rigole d'Aron

Source : Michel Geoffroy

Pourtant une étude fut lancée en 1861 pour creuser une deuxième rigole, coté Loire.

Le 10 décembre 1868 Napoléon III déclara d'utilité publique avec un financement de 500 000 F‑or sa construction ce fut la rigole d'Aron qui captait l'eau de l'Aron à 2 km de sa source, serpentait en suivant les courbes de niveau sur 25 km pour arriver dans l'étang de Vaux. Elle fut inaugurée en 1878.

La pente était sensiblement la même que celle de la rigole d'Yonne (20 m sur 25‑28 km) mais malheureusement son débit était trop faible, l'Aron à sa source (280 m) disposait d'un volume d'eau disponible très inférieur à celui de l'Yonne (dont la source se situe à 738 m d'altitude et la prise d'eau 15 km plus loin permettant à de nombreux affluents d'apporter leur contribution), les sols étaient trop filtrants alors que la rigole d'Yonne coulait sur du granite imperméable, construction en déblais11 sur les 8/10 de sa longueur : en janvier , alors qu'elle devait être pleine, la rigole n'avait de l'eau que pendant ⅓ du temps !

La rigole d'Aron n'a donc fonctionné que pendant 25 ans et elle a été abandonnée en 1910. Elle fut nettoyée très sérieusement jusqu'en 1925 et cessa lors de la mise en retraite du dernier cantonnier en 1936.

En 1948, une restauration sommaire fut réalisée sur les 6 derniers kilomètres et en 1949 les 18 premiers kilomètres furent déclarés "inutiles".

En 1950 l'exploitation fut complètement arrêtée : il faut dire que cela correspondait à l'inauguration du barrage de Pannecière qui devait assurer définitivement un débit constant et suffisant à la rigole d'Yonne (qui de plus avait été bétonnée sur toute sa longueur depuis les années 1930).

 → En savoir plus sur la rigole d'Aron  …

 

 

La rigole d'Aron<br />traverse un champs de colza
La rigole d'Aron
traverse un champs de colza
La rigole d'Aron<br />en partie souterraine
La rigole d'Aron
en partie souterraine
La rigole d'Aron souterraine
La rigole d'Aron
devient souterraine
Pont sur la rigole d'Aron
La rigole d'Aron
un joli pont et ses 4 bornes

 

 

 

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Le sort s'acharne sur le Canal du Nivernais

A l'aube du xxe siècle le canal semblait cette fois-ci inexorablement condamné à disparaitre !

 

Les écluses Freycinet

Le premier coup fut porté par la mise en place de nouvelles normes par Charles Louis de Freycinet en 1879.

Elles amenaient la longueur des écluses de 30 à 39 m et une largeur de 5.20 m. Certaines purent être mise aux normes, mais sur la partie haute en particulier au niveau des "échelles de Sardy" ce n'était pas possible.

Les nouvelles péniches mesurant 38.5 m sur 5.05 m étaient d'office écartées du canal !

 

Le charbon plutôt que le bois

Le second fut la réduction de la demande en bois de chauffage de Paris qui préférait la houille plus facile à transporter :

le flottage à bûches perdues ralentit jusqu'à ne lancer qu'un seul flot et cessa complètement en 1923.

Seules quelques "flûtes"15 aux dimensions anciennes transportaient encore "la moulée"5 du Morvan et du Bazois.

 

Le chemin de fer

Enfin, le chemin de fer prenait de l'importance et déjà quand la ligne Clamecy-Cercy-la-tour fut inaugurée sur le même trajet que le canal en 1878, la plupart des observateurs conclurent à sa disparition imminente.

 

Un ultime espoir, l'usine de la SPCC

Pourtant, comme un dernier baroud d'honneur, une usine de distillation du bois transporté par bateaux s'ouvrit en 1894.

Elle devint la SPCC (société des produits chimiques de Clamecy) en 1922.

Elle travailla jusque dans les années 1970 et dut fermer

 

Un ouvrage qui se dégrade

Il fallait se rendre à l'évidence, en 1966 il ne passait déjà plus qu'un bateau par semaine.

En 1974 il y avait une telle carence d'entretien depuis un bonne 20aine d'années que depuis le chemin de halage découvert au travers des ronces, on ne voyait plus l'eau du canal pourtant contigüe.

Beaucoup de fuites étaient observées.

La canal n'avait plus de raisons d'être.

L'Etat remit le cadeau empoisonné au Conseil général de la Nièvre, plus personne n'y croyait !

 

 

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Résurection

La solution vint de Paris, (en un sens un juste retour des choses ... !) et d'un certain Pierre-Paul Zivy

C'était un homme dynamique passionné de tourisme fluvial qui entreprit de sauver ce canal dont il était tombé sous le charme.

Il s'engageait à créer des entreprises touristiques, mais il fallait que la voie d'eau redevienne navigable.

Pour cela il rencontra le Chef de l'Etat, le Général de Gaulle pour lui présenter l'intérêt de son projet.

Entre de tels hommes le courant passa immédiatement et la décision fut vite prise :

le canal revint à l'Etat qui confia sa restauration à VNF25 dont c'était l'une des missions et l'homme d'affaires tint parole : le Canal était sauvé !

 

Conclusions

Aujourd'hui, le canal du nivernais est considéré comme l'un des plus beaux de France

C'est le premier en terme de nombre de société de louage, le deuxième après le "canal du Midi" concernant la fréquentation touristique (4000 bateaux par an) dont 70% d'étrangers européens, mais aussi australiens et américains.

Il vit le jour grâce :

  • à la claivoyance d'hommes politique (Louis XVI, Louis XVIII, de Gaulle)
  • à la pugnacité de certains ingénieurs et entrepreneurs (Ménassier, Hageau, Condorcet, Becquey, Zivy )
  • à la grande foule d'anonymes morvandiaux poussés par la misère, qui le creusèrent à la main dans des conditions épouvantables, telles que beaucoup en moururent.

 

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Michel Partiot Académie du Morvan ‑  mars 2015

 

Remerciements

  • Merci à Emile Guillien (Mimile) Académie du Morvan † pour le partage de sa grande connaissance de l'histoire de la région, du milieu des cours d'eau et du flottage. Peu de mots sont disponibles également pour traduire ces instants émouvants d'évocation avec lui de la correspondance et du souvenir de
    Jean Partiot Académie du Morvan † , un autre passionné du Morvan originaire de Montreuillon !
  •  

  • Enfin à Crux-la-ville, le dynamisme de Charlotte et son sens de l'accueil, la marche en forêt avec Michel, Pedro, et "Vivi" à la découverte de la Vaucreuse et de la rigole d'Aron, en compagnie de ces amoureux de leur région, grands connaisseurs de leur histoire : inoubliable ; encore merci !

 

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Bibliographie

  • Badinter E., Badinter R.,1988, Condorcet - Un intellectuel politique, Ed. Fayard, Paris, 659 p.
  • Becquey E., 1820, Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France, Annales des Mines, 82 p.
  • Bossut C., Rochon A.-M. et (de) Condorcet N., 1786, Rapport sur le Canal que le Gouvernement fait construire en Nivernois pour l'approvisionnement de Paris, Académie des sciences - Paris.
  • Buisson F., 1929, Condorcet, Ed. F. Alcan, Paris, 137 p.
  • Guillien E. Académie du Morvan, 1999, Un canal qui faillit être une impasse !, Ed. Les traines-Bûches du Morvan, 72 p.
  • Guillien E. Académie du Morvan, 1999, L'écoulage de la moulée sur le Beuvron et le Sauzay, Ed. Les traines-Bûches du Morvan, 72 p.
  • Guillien E. Académie du Morvan, 2001, Les propriétaires forestiers morvandiaux ont assuré une partie de l'approvisionnement de Paris en bois de chauffage de 1549 à 1939, Ed. Les traines-Bûches du Morvan, 87 p.
  • (de) Haut P., 2010, Le canal du Nivernais, coll. Mémoires en images, éditions Alan Sutton, 160 p.
  • INP, 2012, Le patrimoine fluvial, séminaire du 7 au 9 juin 2011 - Institut National du Patrimoine - Centre de ressources documentaires du département des conservateurs, en collaboration avec la DRAC-Centre, 223 p.
  • Quantin M., 1885, Histoire de la rivière d'Yonne, Bull. Soc. Sc. historiques et naturelles de l'Yonne - vol. 39:348-498

 

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Notes

  1. Bassin versant : aire où se rassemblent les eaux qui se déversent dans un même exutoire (rivière, fleuve, mer).
  2. Bief de partage : partie d'un canal délimitée par 2 écluses (bief) et située au point le plus haut, sur la ligne de partage des eaux. Il doit donc être alimenté artificiellement (digues, rigoles, tunnels, station de relèvement, …). Il permet une circulation d'un bassin versant à l'autre, dans les 2 sens.
  3. Bois canard : (flottage) se disait des bûches qui avaient séjourné trop longtemps dans l'eau. Elles devenaient pesantes, coulaient et s'envasaient. Les "canards" étaient récupérés après le flot et mis à sécher pour être utilisés plus tard
  4. Bois de Moule (moulée) : le bois était coupé à une longueur de 3 pieds et demi (1.14m) ; le diamètre des plus grosses bûches se mesuraient dans un anneau (Moule) de 18 pouces de tour (45.77 cm) et constituaient "la moulée".
  5. Bois-neuf : bois n'ayant pas été "flotté à bûches perdues" mais transporté par bateau
  6. Compagnie des 4 canaux : société privée crée en 1821 sous Louis XVIII ; il s'agit d'un consortium de banquiers parisiens spécialisé dans la construction de canaux dans le centre et l'Ouest de la France
  7. Crue centennale de 1910 : l'OCDE estime que la même crue aujourd'hui causerait au minimum pour 30 milliards d'Euros de dégats, une bonne partie des activités de la France seraient paralysées, sans compter les répercutions sociales que cela entrainerait !
  8. Crux-le-chatel : les seigneurs de Crux vivaient au château de Crux-le-chatel aujourd'hui lieu-dit "Le Berle" commune de Crux-la-ville
  9. (de) Damas : longtemps écrit "Dalmace" ou "Dalmas" descendant des Dalmace Seigneur de Semur grande et très ancienne famille du Brionnais. Le premier Comte François de Damas-Crux épousa en 1648 Louise de Pracomtal dont la famille s'installa quelques années plus tard en Bazois. Louis-Etienne-François, Comte de Damas-Crux épousa en troisième noce en 1775 Sophie-Joséphine-Antoinette de Ligny; Il est probable que Louis-Etienne-François fut celui qui fit creuser en 1780 la rigole alimentant la Vaucreuse depuis l'étang de Ligny (et permettant de flotter les bois de cette forêt)
  10. (Construction en) déblais : pose des problèmes de hauteur critique et de nécessité de "blindage" qui n'a peut être pas été pris en compte sur toute cette longueur, si tant est qu'à l'époque les connaissances théoriques en résistance des matériaux fussent suffisantes.
  11. Étiage : abaissement exceptionel du niveau de l'eau; sinon la période où le niveau de l'eau est habituellement le plus bas correspond aux "basses eaux". L'étiage est aussi parfois définit comme le point le plus bas du niveau de l'eau.
  12. Flottage à bûche perdues : il s'agissait de transporter le bois en le faisant flotter, depuis les ruisseaux proches des chantiers de coupe jusqu'a l'Yonne et la Seine et enfin la capitale. Le bois coupé et marqué était jeté à l'eau bûche par bûche, en vrac et récupéré en aval pour y être assemblé en trains, sorte de radeaux de 75 m de long et de 4 m de large acheminé jusqu'à Paris. Pendant 4 siècles le Morvan alimenta ainsi les parisiens et leur économie en bois !
  13. Flottage des petites rivières : flottage sur le Beuvron, affluent de l'Yonne qu'il rejoint à Clamecy et le Sauzay lui même tributaire du Beuvron mêlant ses eaux avec lui à moins de 3 km du confluent
  14. Rouettes : liens servant à lier les bûches entre elles et constituées de bois vrillé ou parfois tressé.
  15. Trains de bois : la technique fut mise au point grâce à la famille de Sallonnyer et vulgarisée par Jean Rouvet. Il s'agissait de lier les bûches avec des "rouettes" en "branches de 4m de long sur 50cm d'épaisseur. 4 branches étaient assemblées en "coupon" qui accolés par 18 constituaient "un train" de 70 à75m. Cette sorte de radeau était conduit par 2 hommes.
  16. "Flûte de Bourgogne" : péniche à fond plat, de 30 à 38 m de long sur 5 m de large, arrondie à l'avant et plate à l'arrière, pourvue d'un gouvernail très particulier pouvant être remonté en fonction de la charge. Les "Flûtes" morvandelles ne dépassaient pas 30 m (écluses du canal du nivernais hors normes) et pouvaient contenir seulement 150 tonnes de frêt. Elles furent construites à Clamecy pour le transport du bois (cf. E. Guillien, 1999). Elles étaient halées à bras d'homme et/ou de femme ou par des chevaux
  17. Gauthier (ou gautier) : petit barrage en bois permettant de régler la hauteur d'eau lors du flottage
  18. Icaunais : relatif à l'Yonne - vient du nom celte "Ica Onna", rivière divinisée elle était sensée avoir de grande possibilités marchande et elle était sujette à de grandes colères)
  19. Ligérien : relatif à la Loire
  20. Ligne de partage des eaux : limite entre plusieurs bassins versants
  21. Condorcet : Marie-Jean-Antoine-Nicolas de Caritat Marquis de Condorcet (1743-1794), ancien élève des Jésuites, était un intellectuel brillant comme peu d'époques en ont connu. A la fois mathématicien génial comme le montrent ses travaux sur le calcul intégral, les probabilités et les statistiques, mais aussi philosophe des lumières et politicien. Il était Secrétaire de l'Académie des sciences et de l'Académie française et il fut l'un des responsables de l'adoption du système métrique. Très éclectique et foisonnant d'idées, il défendit la cause de femmes, se prononçant pour leur droit de vote (il fallut attendre plus de 150 ans et le général de Gaulle pour que ses idées soient reprises) ou encore, il était opposé à la peine de mort et défendit Louis XVI (!). Il proposa un système d'assurances agricoles et de mesure du risque. Enfin il fut à la source de ce qui deviendra l'éducation nationale. Malheureusement, en cette période politique révolutionnaire difficile, il devenait trop gênant : il mourut en prison, probablement assassiné et son corps fut jeté en fosse commune.
  22. (de) Pracomtal : s'écrit parfois Pracontal ou Précontal - une vieille famille du Dauphiné qui s'installa en Bazois au xviiie siècle - Le premier propriétaire en Bazois Léonor-Armand, marquis de Pracomtal (1698-1780) acheta beaucoup de terres en Nivernais. Sa descendance liée à Châtillon en Bazois : Arnoul (1725-1754) >> Léonor-Claude (1754-1776) >> Léonard-Anne-Gabriel (1773-1838). Colonel de gendarmerie il est élu député de la Nièvre en 1815 >> Edmond-Marie-Gabriel (1804-1875). Tous très proche des rois. La famille restera sur la terre de Châtillon pendant 250 ans
  23. Râcle : zone de mouillage commune à la rivière et au canal
  24. Ruisseau de Mouas : permettait le flottage des bois des forêts de La Collancelle et de Blin jusqu'au au temps de Charles X
  25. Ryolithe : roche magmatique (variété de couleur rouge appelée porphyre dans le cas de Montreuillon) effusives ayant traversé les couches de granite au permien (il y a 300 millions d'années)
  26. Toucher-queue : les premières bûches du flot étaient placées le long des rives parallèlement aux berges pour former une sorte de canal (bordage de la rivière). Ainsi les suivantes circulaient plus facilement. En fin de flot, ce bois était à son tour repoussé au centre de la rivière ; c'etait le "toucher-queue".
  27. VNF : Voies navigables de France est un Etablissement Public à caractère Administratif qui assure le développement du transport fluvial ; il est chargé de l'exploitation, l'entretien et la maintenance du réseau. Il doit également assurer, la gestion des ressources hydrauliques, la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique, la conservation du patrimoine, la valorisation du domaine et la promotion du tourisme fluvial.
  28. Margotat : petit bateau légers à bas prix, à fond plat, destinés surtout à descendre les torrents, généralement sans retour. ils étaient supposés à tort construits sur l'Ile Margot à Clamecy. En fait ils venaient de la Haute-Marne et ils étaient probablement l'oeuvre d'un M. Margotat nom courant dans cette région.

 

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