L'ouvrage aurait pu barrer la rivière à l'entrée des gorges de la vallée de l'Yonne, à la place du "grand−pont", ce qui aurait entrainé l'immersion de la quasi-totalité de la commune. L'orographie12 de la région a sauvé Montreuillon, mais le déplacement du projet à 6 km en amont du bourg condamna de malheureux voisins.
Le développement de Paris, son activité économique, l'augmentation de sa population donc son approvisionnement en eau potable, étaient fortement affectés par l'étiage10 estival de la Seine et de ses affluents.
Dès le début du xixe siècle, en 1824 l'inspecteur Antoine Poirée14 préconisait la création de grands réservoirs qui interviendraient en "support d'étiage".
En 1873, Eugène Belgrand mit en évidence l'opportunité de construire sur le granite étanche du Morvan (E. Belgrand, 1873), mais il fallut attendre la crue centennale de 1910 et l'innondation catastrophique de Paris8 pour que le projet fut sérieusement remis à l'étude. Cette fois, la nature venait de démontrer que des millions de personnes étaient concernées, qu'il ne s'agissait plus seulement d'un support d'étiage mais réellement de l'impérieuse nécessité de contrôler le débit de l'Yonne : "l'enfant terrible de la Seine" telle qu'était surnommée la fougueuse rivière par des générations d'écoliers, devait être matée !
Simultanément, la mise en place d'autres lacs-réservoirs sur la Seine, l'Aube et la Marne furent prévus et encore aujourd'hui des lacs d'expansion en zone marécageuses couplés avec des aménagements écologiques et touristiques sont à l'étude (cf. La Bassée).
Des personalités furent attachées à ce projet et se battirent pour lui : F. Bienvenüe, H. Suquet, H. Chabal bien sûr qui insista sur la progression prévisible de la demande en eau potable de la capitale. Le bouillant Augustin Beaux défendit à son tour l'idée sans plus de succés. C'est alors qu'après une sécheresse très marquée dans les années 1920, l'Yonne déborda à nouveau en 1924 !
Malgré cela, il fallut encore 3 ans pour qu'en 1927 le principe d'un barrage multifonctionnel fut adopté et la recherche de financement mise en oeuvre. Mais la situation mûrissait : la construction des réservoirs plus modestes de Crescent sur le Chalaux et de celui de Chaumeçon sur la Cure fut réalisée et achevée respectivement en 1931 et 1934. La dynamique de mise en place de lacs-réservoirs était enfin engagée.
L'ingénieur Henri Suquet retint l'emplacement définitif de Pannecière et l'Ingénieur Fernand Cuq valida la faisabilité de l'ouvrage en 1928. Le 8 septembre 1929 le projet de barrage de Pannecière fut reconnu d'utilité publique et doté d'un budget. Il fallut quand même plus d'un siècle pour passer de l'idée de Poirée en 1824 au projet concret en 1929 et 20 ans de plus, la fin de la deuxième guerre mondiale et 1949 pour que l'ouvrage fut achevé et la mise en eau effective !
En 1930 à Montreuillon, André Pouget fut élu Maire et occupa cette fonction jusqu'en 1945 date à laquelle Marcel Bondoux lui succéda pour les 22 années suivantes (!). Gageons que de nombreuses et intenses discussions avec leurs collègues des communes voisines, Montigny-en-Morvan, Chaumard, Ouroux et Corancy eurent lieu pendant ces deux dizaines d'années que durèrent la gestation et la construction du barrage, pour défendre les intérêts de leurs concitoyens et parvenir à peser au mieux devant ... Paris !
Ce fut donc en amont du petit pont de Pannessière13 reliant l'Huis−Picard à l'Huis−Mignot et Ouroux que l'ouvrage serait construit, sur les communes de Corancy, Chaumard, Ouroux et Montigny-en-Morvan. Il incluait les confluents de l'Yonne et de l'Oussière en amont du pont d'Arringette, de la Mignage et du ruisseau le l'Ansin au niveau du pont de Blaisy, du ru de Vissigny et du ruisseau du Chêne, le Touron en amont de la queue du lac et le Coulard, entre le barrage principal et le bassin de compensation. Le hameau de Pélu était voué à la submersion complète de même que 28 habitations de Blaisy. Arringette, Vauminot et Les-Moulins devaient être noyés partiellement, ce qui représentait au total 74 maisons, 3 moulins et 540 ha de terrain, mais aucun bourg ne fut menacé. La commune de Chaumard était cependant coupée en deux ce qui posait des difficultés d'accès aux infrastructures communes, école, église, cimetière, ... Quant aux routes et chemins, il fallait évidemment tout réorganiser.
Les enjeux dépassaient la nostalgie de quelques vieux morvandiaux ! Il y avait la capitale à protéger, le coeur économique de la France à préserver, l'approvisionnement en eau potable de quelques millions de personnes à assurer, alors ... on construisit le barrage !
Après avoir longtemps préconisé le barrage-poids comme ceux du Crescent et de Chaumeçon, il fut adopté le principe de construction à contreforts, voûtes multiples et parois fines2. Moins cher, plus complexe et qui révèle la grande compétence de l'ingénieur. F. Cuq et son mentor A. Coyne6 dessinèrent les premières esquisses dans les années 1934-1936.
Des conditions essentielles pour ce type d'ouvrage : des appuis latéraux et une base rocheuse solides (cf. la douloureuse expérience de Malpasset11), des matériaux fiables. A cet emplacement le barrage devait s'appuyer sur le granite et F. Cuq connaissait son métier.
L'entreprise THEG emporta l'adjudication des travaux du barrage en 1937, l'entreprise Huguet celle de la totalité des ouvrages d'art en 1939 et d'une partie des routes en 1940. Trois entreprises locales se partagèrent le reste des routes.
Le chantier s'installa, l'Yonne fut déviée et les batardeaux4 achevés, les travaux de terrassements (fouilles et creusement des fondations, etc.) furent pour moitié réalisés, la cité ouvrière construite, les échafaudages des ponts mis en place, les déviations et les chemins préparés.
Les gros travaux qui devait commencer au printemps-été 1939 prirent du retard et le chantier fut rattrappé ... par la guerre le 3 septembre 1939 !
Une partie des ouvriers fut mobilisée, il fallut gérer le flot des réfugiés, la "mise à l'abri" du matériel. Le chantier n'était pas complètement arrêté, mais dès l'automne 1940 il y eu des restrictions de gasoil et de ciment. Le Portland classique fut utilisé à défaut de disposer de "ciment de laitier de Crugey" ce qui expliqua, on l'ignorait à cette époque, les fissures et les gonflements constatés plus tard du fait de l'alcali-réaction5 et ce fut alors l'argent qui manqua. Les ouvriers mal payés quittèrent le chantier et ceux qui restèrent furent employés à des tâches subalternes et de conservation. Les travaux furent arrêtés en mai 1942 par l'occupant, mais de toutes façon ils n'auraient pas pu se poursuivre dans cette précarité.
Pendant la guerre, du pillage eut lieu, qui n'était pas le fait des Allemands …! Par ailleurs, de "mystérieuses" disparitions, plus vertueuses celles-là, de petit matériel se produisirent comme ... des baraques de chantier (!!) mais tous savaient que le maquis de Chaumard avait quelques besoins et aucun gardien du chantier n'avait vu quoi que ce soit … sauf ceux qui partirent au maquis en cette occasion, évidemment … !
Après la guerre, en 1946, la priorité fut donnée aux ponts mais le ciment manquait toujours cruellement et le chantier du barrage proprement dit ne put commencer. L'hiver 1947 fut polaire, dans la cité ouvrière c'était la misère (ravitaillement rare, chauffage difficile, salaires insuffisants, ...), le budget explosait. Il y avait 5 à 600 ouvriers sur le chantier, les ¾ étant de la région étant donné l'état des transports en commun16. La sécurité sur le chantier était inexistante, mais malgré cela, les contreforts s'érigeaint, un mur parafouille de 4.5m sur 7 m de profondeur fut construit en amont à l'aplomb des contreforts et les voûtes elles même commencaient à monter18.
La mise en eau fut commencée le 31 décembre 1949 et le barrage fut rempli le 30 juin 1950. Les travaux de finition comme la route sur la crête du barrage qui était prévue et passée sous silence, les travaux concernant le cimetière de Chaumard, etc. se sont fait avec le temps grâce surtout à la pugnacité des différents Maires. C'est vrai que depuis Paris les priorités n'étaient pas évaluées de la même façon que sur place !
A partir de 1950, les fonctions de support d'étiage et d'écrêtement des crues purent être assurées.
Le coût de l'ouvrage avait été évalué à 48 Millions de Francs, il en coûta 762 (en assimilant la valeur du Franc avant et après la guerre, ce qui implique que ces valeurs ne soient que des ordres de grandeur) !
Le barrage de Pannecière-Chaumard fut conçu "à buts multiples" c'est à dire qu'il devait à la fois apporter un support d'étiage mais aussi écrêter les crues. Il garantissait un débit constant à la rigole d'Yonne et à la rivière mais il devait aussi produire de l'électricité. Enfin il fallut étendre la coexistance de ces fonction à la prise en compte des intérêts des morvandiaux et à la demande locale : la sécurité mais aussi le tourisme qui est un grand atout du Morvan, la pêche, les loisirs aquatiques, la randonnée, le cyclisme, etc. Il y avait parfois incompatibilité !
Ainsi il en allait de la production électrique qui ne pouvait pas être optimisée puisque le lac-réservoir devait avant tout assurer le support d'étiage et l'écrêtage des crues pour protéger Paris. Il ne pouvait donc représenter qu'un appoint.
Le groupe unique fut placé dans la voute E entre 2 contreforts et mis en service en 1952. Il s'agissait d'une turbine Kaplan d'un diamètre de 1.65 m, à hélice à pas variable et axe vertical. Sa capacité était de 6300 kw. Elle fut fournie par l'Allemagne au titre des réparations pour dommages de guerre.
Elle fonctionne encore de nos jours : la plage d'utilisation du générateur est située entre 23 et 48 m de chute d'eau ; le débit est alors de 16m³/s. Le pas variable de l'hélice permet à la turbine de s'adapter à des hauteurs de chute et des débits variables en gardant un rendement énergétique élevé. L'usine fonctionne pendant les heures de pointe de consommation d'électricité et l'eau est restituée en aval dans le "bassin de compensation".
=> Le fonctionnement d'une turbine Kaplan (YouTube) …
L'usine qui produit entre 15 et 18 millions de kw/h est reliée au réseau 63 000 volts de la ligne Corbigny - Chateau Chinon, par l'intermédiaire d'un transformateur haute-tension (HT). Elle fut complètement rénovée pendant les travaux de réhabilitation du barrage (2012-2013) et le transformateur installé à l'extérieur
Jusque dans les années 1970 il y avait 2 techniciens permanents, qui habitaient dans la maison à proximité et qui est occupée aujourd'hui par les bureaux du SIAEPA15.
Le dispositif est aujourd'hui télécommandé depuis Bois de Cure (à proximité d'Avallon dans le département de l'Yonne), qui commande toutes les centrales hydroélectriques du Morvan, Chaumeçon, le Crescent, Bois de Cure, Malassis, Panneçière.
Pour assurer les autres missions du barrage, un bassin de compensation de 370 000 m³ appartenant à EDF fut créé en barrant à nouveau l'Yonne 2 km en aval pour ne pas affecter le barrage principal et un nouveau captage a été installé qui est destiné à alimenter la rigole d'Yonne et 28 km plus loin le bief de partage du canal du nivernais. Cela permet d'assurer un débit régulier à la fois à la rivière et à la rigole quelle que soit la demande de l'usine électrique.
Ce nouvel ouvrage fut construit en 1954 selon la même architecture que le grand barrage, mesure 220 m de long et il est composé de 33 voûtes minces mais il ne mesure bien sûr que quelques mètres de hauteur.
Le SIAEPA−Pannecière15 gère l'approvisionnement en eau potable de Montreuillon
Il existe 2 prises d'eau, l'une est située à la source du Mont Vauclaix et l'autre dans le barrage à 43 m de fond sur la vanne de garde de l'usine hydroélectrique. Pendant les travaux le captage de Pannecière a été provisoirement remplacé par les eaux du Coulard sans perdre en qualité.
Le réseau qui alimente 8 communes a une longueur de 216 km et fournit l'eau potable à 2500 habitants en résidence principale et 2000 de plus en période estivale
Le rendement (qui traduit l'efficacité de la gestion des fuites) est de 91% et l'Indice Linéaire de perte (ILP) est de 0.17 m³/j/km ce qui est très correct par rapport à d'autres réseaux en milieu rural.
Avec les 43 AAPPMA (Association agrée de pêche et de protection des milieux aquatiques) du département, la pêche est l'une des grandes activités sur Pannecière et l'Yonne.
Dans le lac-réservoir de 520 ha classé en 2e catégorie et considéré comme le plus poissonneux du Morvan, la carpe miroir (cyprinus carpio carpio), la carpe commune (cyprinus carpio carpio), la Perche (Perca fluviatilis) se développent bien mais aussi les carnassiers comme le Sandre (Sander lucioperca) et son oeil perçant et le brochet (Esox lucius) vorace. En descendant l'Yonne vers Montreuillon (le parcours devient de 1re catégorie), ce sera les Salmonidés, l'Ombre (Thymallus thymallus) et bien sûr, la truite sauvage (Salmo trutta fario) qui se reproduisent naturellement sans apport d'élevage … il y en a pour tous les types de pêcheurs et de quoi passer de bons moments !
Enfin à Ouroux une école de pêche apprend aux enfants à partir de 6 ans, le noble art !
Les pêcheurs sont très attentifs au fonctionnement de ces deux barrages car dans le sens aval vers amont, il y a évidemment une discontinuité écologique de taille (49 m de hauteur d'eau !) et le poisson ne peut pas remonter la rivière. Et dans l'autre sens, la pollution thermique constituée par l'eau très froide prèlevée au fond du barrage ou du bassin de compensation perturbe sérieusement le poisson ! Enfin quand les boues du bassin de compensation sont évacuées par la bonde de fond, l'Yonne et la rigole ressemblent plus à un fleuve africain peuplé de crocodiles qu'à une belle rivière à truite … ! Heureusement qu'avec la saison touristique tout devrait rentrer dans l'ordre !
Quelques sîtes pour faire rêver les grands pêcheurs devant l'Éternel :
=> Le magazine carnassiers du Web-Esoxiste.com …
Et la fédération :
=> FNPF-Fédération Nationale de la Pêche en France …
Au niveau du "Pont de Pannessière" et de l'ancienne prise d'eau de la rigole d'Yonne, en amont du bassin de compensation de Pannecière, EDF, le Conseil départemental de la Nièvre et le Parc naturel régional du Morvan ont créé un petit sentier de 500 m de long et un poste permettant d'observer discrètement la faune des zones inondées et plus particulièrement les oiseaux qui petit à petit colonisent l'endroit
=> Plaquette - Le sentier du petit lac de Pannecière(966 Ko)
Canoé, baignade, pédalo, vous trouverez tout cela à aux aires de loisirs de Vauminot, Blaisy, Chaumard (rive droite)
=> Les loisirs de plein air à Pannecière …
Que ce soit la randonnée pédestre, en calèche avec Les attelages de Pannecière de la ferme de Bonin (rive gauche), en VTT ou des chevauchées individuelles, de nombreux itinéraires autour du lac sont possibles (se procurer le topo-guide et les cartes de randonnées à l'office du tourisme)
Si vous trouvez les sentiers de Pannecière trop encombrés en été, n'hésitez pas à vous déplacer de 6 kilomètres vers le nord-ouest, à Montreuillon où vous trouverez plusieurs itinéraires balisés magnifiques et de quoi vous restaurer au village en toute tranquilité !
=> Office de tourisme de Chateau-chinon …
Michel Partiot et Christian Louvrier - 28.4.2015