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Environnement

Gestion des bassins versants

Les crues de l'Yonne à Montreuillon

L'inondation de septembre 1866


 

 

La crue de Septembre 1866

Un récit d'apocalypse

(Sources : A. Béhic, 1866 - A. de Brive, 1867 - E. Belgrand et G. Lemoine, 1868)

Si les parisiens étaient compatissants sur le sort des riverains de l'Allier et de la Loire victimes d'inondations catastrophiques récurentes, il ne semble pas qu'ils aient compris, avant cet épisode à quel point leur propre sort était lié au leur !

En effet, si le groupement Haut-Folin-Beuvray-Préneley atteint une altitude de 800 à 900 m, les lignes de partage des eaux Ouest et Sud descendent rapidement à 400 m. Or l'altitude de la base d'un cumulonimbus4 venant du Massif central est généralement proche des 1 000 m !

Autant dire que seules les incantations de vieux maîtres‑druides au sommet du Beuvray, auraient pu arrêter à la frontière du Morvan, ces nuages monstrueux qui acompagnaient l'épisode méditerranéen venant du Sud !

Et si ils échouaient toute l'eau qu'ils contienaient tomberait sur le Morvan et se retrouverait rapidement ... à Paris !

 

L'Atlantique Nord écrivit la préface !

Lors de l'équinoxe de septembre 1866 une forte dépression se forma au dessus de l'Atlantique nord et migra vers le Cotentin et le bassin parisien comme l'avait fait la tempête du 10 et 11 janvier de cette même année.

Vers le 23 septembre un vent du Nord-Ouest commença à souffler sur la Loire moyenne, le Morvan et le Haut Folin

 

L'Allier rédigea l'introduction

Les masses d'air chaudes et humide venant de l'anticyclone Méditerranée se déplacèrent alors vers la dépression parisienne et le vent souffla sur les Cévennes.

A partir du 24 septembre 1866 à 2h du matin, un épisode cévenol se déclencha sur le versant Sud.

Des pluies torrentielles s'abattirent pendant 24h sans discontinuation sur la partie Nord de la la Lozère faisant déborder la Loire supérieure, le Lot, le Tarn et l'Allier emportant les ponts, dégradant les chemins et désolant des villages.

La Loire et l'Allier dépassèrent de 3 m le niveau atteint en 1846 (qui eut lieu en automne également).

A Lavoôte-sur-Allier la hauteur d'eau au dessus de l'étiage atteignit 13 m et à Lavoôte-sur-Loire 9.50 m !

La puissance des flots dévalant une forte pente5 sur terrain imperméable fut dévastatrice.

La rupture des digues accentua encore les dégâts. On n'avait pas connu cela "de mémoire d'homme"6.

L'Aveyron et surtout la Dordogne ne furent pas épargnés, maisons et ouvrages emportés, terrains ravagés.

Hélas, ce type d'événement malheureux est bien connu dans ces régions !

 

Et ce furent les crues du bassin-versant ligérien

Les épisodes cévenols ont de graves conséquences en Haute-Loire et sont relativement fréquents dans les Départements du Massif central.

Heureusement, les inondations s'atténuent souvent en traversant les terrains poreux des plaines jusqu'à parfois n'avoir aucune influence en aval du fleuve.

Mais en 1866 il s'agissait d'un système météorologique mixte : les deux masses d'air venant du Sud et du Nord-Ouest, de température différente et chargées d'humidité s'affrontèrent le 24 septembre en Bourbonais et en Morvan (carte).

Le phénomène accentua les débordements de la Loire moyenne et lui donna une pérénité. Les conséquences furent catastrophiques sur l'ensemble ce bassin-versant

 

Tous les cours d'eau du Morvan débordèrent

L'ensemble des affluents de l'Yonne alimentèrent la crue de la rivière principale.

Le Béhic décrivit les gros dégats causés par le Serein et l'Armançon en Côte d'Or et rapporta un niveau supérieur à 1 m au dessus de celui de 1856, ce qui ne s'était pas produit depuis un siècle.

Le canal du nivernais et des ouvrages de canalisation du cours d'eau en souffrirent.

Les crues eurent un caractère "extraordinaire" dans toute l'étendue du bassin.

L'Yonne atteignit 3.15 m à Clamecy. La Cure et le Cousin débordèrent et plus de 150 maisons furent détruites à Arcy-sur-Cure.

En aval d'Auxerre les eaux du Serein et de l'Armançon amenèrent l'Yonne à un niveau très élevé, 3.50 m selon le journal "Le Moniteur" et les flots se répandirent comme d'habitude sur la rive droite en détruisant les ouvrages et les biens.

Les niveaux de 1836 et 1856 furent dépassés partout. Belgrand estime que la seule crue comparable serait celle de 1613.

Comme les terrains perméables étaient déjà saturés d'eau par les pluies de l'été et de septembre, ils ne purent pondérer l'inondation et les sources souterraines en débordant agravèrent encore le phénomène

Le 25 septembre fut l'apogée de la crue à Montreuillon où le niveau atteignit 3.75 m au dessus de l'étiage. La moitié du bourg fut inondé ; l'inondation monta jusqu'au 1er étage dans les maisons riveraines de l'Yonne et le moulin.

 

Conclusions du pont de l'Alma

A Paris, Belgrand fit un commentaire mitigé :

  • l'inondation fut la plus importante depuis 1732 parmi les crues se produisant entre le 1er juin et le 15 octobre. Pour lui en effet, "la Seine à Paris n'éprouve des crues tout à fait extraordinaire que pendant les mois d'hiver".
  • elle fut comparable à celle de 1836 par sa concomitance avec la Loire
  • tous les affluents de l'Yonne débordèrent simultanément. Le Serein et l'Armançon atteignirent un niveau inconnu depuis la crue de 1613

mais

  • Avec 5.21 m à La Tournelle, elle fut considérée à Paris comme une "très grande crue ordinaire" (depuis 1732, 38 crues d'hiver ont dépassé cette hauteur)
  • Tous les torrents de la Brie et du Loing, fait exceptionnel, débordèrent en phase avec l'Yonne. De même l'Ource et l'Aube contribuèrent fortement à l'inondation. Mais ce ne fut heureusement pas le cas pour la Marne, l'Aisne et l'Oise

 

Les auteurs locaux parlent de "cataclysme" et de "météore" contrairement à ce qui s'écrit à Paris.

Le Massif central, le bassin-versant de la Loire et celui de l'Yonne subirent des dégats considérables. L'état de la science météorolgique actuelle permet de comprendre ce qui s'était produit et à quel point les bassins versants étaient liés.

Si la Marne, l'Aisne et l'Oise avaient été concernées par la dépression du Nord-Ouest, Paris aurait connu bien avant 19109 la plus formidable inondation de son histoire qui aurait dès lors effectivement marqué et daté les "mémoires d'hommes".

 

 

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Michel Partiot Académie du Morvan ‑  juin 2017

 

Bibliographie

  • Barbry Y., 2003, Guide des techniques végétales - Guide d'application, Voies Navigables de France, 24 p.
  • Behic A., 1866, Rapport à sa majesté l'Empereur - Ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics - Imprimerie impériale - 23 p.
  • Belgrand M.E. et Lemoine M.G., 1668, Étude sur le régime des eaux du bassin de la Seine pendant les crues du mois de septembre 1866 - Ann. des P. et Ch., Ser.4, vol.2, t.xvi, Ed Dunot, Paris pp. 235-550
  • Belgrand M.E. et Lemoine M.G., 1668, Note rectificative sur les observations pluviométriques de Château-Chinon - Ann. des P. et Ch., Ser.4, vol.2, t.xvi, Ed Dunot, Paris pp. 633-634
  • de Brive A., 1867, Etude sur l'inondation du 24 septembre 1866 dans la Haute-Loire Ann. Soc Acad. du Puy, t.xxvii pp. 1-15
  • Gauckler M., 1668, Mémoire sur la défense du territoire contre les inondations - Ann. des P. et Ch., 38(2):520-550
  • Izambart G., 2011, Retour d'exérience et vulnérabilité - L'apport de la pratique de retour d'expérience pour comprendre la vulnérabilité face aux inondations, M2 Géographie et Aménagement, 15.6.2011 - U. Toulouse Le Mirail - UMR Geode, 5602 CNRS, 241 p.
  • Lachat B., 1994, Guide de protection des berges de cours d'eau en techniques végétales - Ministère de l'Environnement, France, 143 p
  • Quantin M., 1885, Histoire de la rivière d'Yonne, Bull. Soc. Sc. historiques et naturelles de l'Yonne - vol. 39:348-498

 

Sommaire

 

Documentation numérique

 

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Notes

  1. bassin−versant : aire où se rassemblent les eaux qui se déversent dans un même exutoire (rivière, fleuve, mer).
  2. Ligne de partage des eaux : limite entre plusieurs bassins versants
  3. Épisode cévenol : l'air chaud situé au-dessus de la Méditerranée est poussé par le vent du Sud (et parfois le Sirocco venant du Sahara). Lorsqu'il rencontre le Massif des Cévennes, froid et humide, il y a condensation et de fortes pluies tombent sur les reliefs et les plaines de piedmont provoquant des innondations. Les Départements concernés sont l'Ardèche, le Gard, l'Hérault et la Lozère mais le terme est parfois employé (improprement) quand le même phénomène se produit sur les contreforts des Alpes.
  4. Cumulonimbus : gros nuages verticaux se formant à la limite entre le front chaud et le front froid qui le pousse ; leur base se situe à une altitude de quelques centaines de mètres et leur sommet peut atteindre 8000 à 18 000 m, voire la limite de la stratosphère. Ils sont à l'origine des tempêtes, de la grêle, des orages électriques et de très fortes précipitations
  5. Fortes pentes : l'Allier et la Loire prennent leur source à 1423 et 1400 m pour atteindre à Lavoôte, 100 km plus loin 390 m. L'Yonne prend sa source à 738 m pour arriver à Montreuillon, 35 km plus loin à 240 m. Ces rivières reçoivent par ailleurs l'eau de leurs affluents coulant généralement sur des pentes encore plus fortes.
  6. >De mémoire d'homme : cette expression qualitative revient très souvent sous la plume des ingénieurs. Parfois, ils complètent heureusement leurs rapports par quelques données quantitatives qui permettent de faire de réelles comparaisons
  7. Zouave du Pont de l'Alma : la sculture est de Georges Diebolt (le modèle serait le soldat André-Louis Gody, 1828-1896). Elle représente les troupes victorieuses en Crimée en 1854. Elle fut commandée par Napoléon III et installée sur la piles aval, rive gauche du Pont de l'Alma à Paris en 1856. Le pont fut refait en 1974 et le zouave installé en amont, rive droite et surélevé de 80 cm. La tradition veut que la population surveille l'évolution des crues en fonction du niveau d'immersion de la statue. La dernière fois qu'il prit un bain de pieds fut en 2013 (3.86 m) ; la limite navigable est de 4.30 et le niveau de base est de 2 m.
  8. Étiage : abaissement exceptionel du niveau de l'eau; sinon la période où le niveau de l'eau est habituellement le plus bas correspond aux "basses eaux". L'étiage est aussi parfois définit comme le point le plus bas du niveau de l'eau.
  9. Fascinage : emploi de fagots de branches de saule mortes ou vivantes maintenus par des pieux pour stabiliser les pieds de berges et éviter les affouillements
  10. Lits de plants et plançons : branches de saules vivantes plantées en courbe de niveau destinée à stabiliser une pente
  11. Crue centennale de 1910 : l'OCDE estime que la même crue aujourd'hui causerait au minimum pour 30 milliards d'Euros de dégats, une bonne partie des activités de la France seraient paralysées, sans compter les répercutions sociales que cela entrainerait !
  12. Mouille : quand la roche-mère est imperméable et que le sol composé de granites altérés et d'argiles est peu profond, l'eau de la nappe phréatique circule très près de la surface et ressort parfois sous forme d'un marécage ou même d'une mare
  13. Orographie : domaine de la géomorphologie et de la géographie physique concernant la description des montagnes et par extension, plus généralement du relief
  14. Ripisylve : Formation végétale qui colonise les berges du lit mineur des cours d'eau (Saules, Aulnes, Frênes en bordure, les pieds dans l'eau, Erable et Ormes en hauteur, Chêne et Charmes sur le haut des berges). Après une crue, la forêt alluviale s'étend plus largement dans le lit majeur.
  15. Lit mineur d'un cours d'eau : zone où les eaux s'écoulent hors des périodes de crues ; les rives sont habituellement colonisées par la "ripisylve"
  16. Lit majeur d'un cours d'eau : zone d'expansion naturelle des crues.
  17. Lit d'étiage d'un cours d'eau : zone où les eaux s'écoulent en période de basses eaux

 

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