Glossaire : vocabulaire du flottage à bûches perdues
Alingre : toboggan installé dans les pentes pour faire descendre le bois plus facilement
Approcheur : ouvrier amenant le bois dans une brouette, depuis les piles jusqu'à la rivière
Armure : bûche placée ou pieu planté sur les rives pour orienter le flot.
Arrêt : barrage en bois destiné arrêter le flot
Bachots : Bateau de 18 à 30 pieds (5 à 9m) à fond plat servant au flottage pendant la courue et au tirage à Clamecy.
Bassier : endroit où les eaux sont basses
Bordage : bûches placées sur les rives de façon à maintenir le bois parallèle au flot.
Bois-canard : bûche trop lourde qui coule au fond de la rivière pendant la courue.
Bois-neuf : bois n'ayant pas été "flotté à bûches perdues" mais transporté par bateau
Bois-volant : bois flottant correctement par opposition au bois-canard qui coule
Buteau (ou butiau) : barrage temporaire où "butaient" les bûches à détourner des moulins.
Boucheure (ou bouchure) : branchages utilisés pour boucher les ouvertures des champs ou des ruisseaux lors du flottage
Canardier : ouvrier tirant hors de la rivière le bois-canard après le flot.
Cantonnier : ouvrier anciens "poule d'eau" retraités et moins bien payés, surveillant également le flot mais ne traitant pas les embâcles
Chevalet d'arrêt : arbre de grande longueur mis devant un arrêt comme un cheval de frise.
Clefs de la Baye : clefs permettant l'ouverture des vannes des étangs de la Baye.
Corde : mesure de volume de bois. la corde morvandelle valait 3.8 stères.
Courue (ou Courrue) : acheminement des bûches entre le "port" de jetage et la destination.
Croc (ou accroc) : au bout d'un long manche, permet de pousser et de tirer le bois flottant
Déboucheur : flotteur qui ouvrait les pelles (parfois fermées à clef) des étangs
Embâcle : amoncellement de bûche obstruant la rivière. (voir "prise")
Embarquement : jetage dans les ruisseaux du haut et début du flot
Engrave : train ou bateau arrêté en pleine rivière faute d'eau.
Entrepreneur de flottage : transportait le bois depuis l'étang jusqu'au port.
Facteur de bois : gérait pour le propriétaire, la vente des coupes, les ouvriers, etc.
Flot : période pendant laquelle le volume d'eau était suffisant pour acheminer les bûches, grâce à l'ouverture simultanée des vannes des étangs.
Flûte de Bourgogne : péniche à fond plat, de 30 à 38 m de long sur 5 m de large, pourvue d'un gouvernail très particulier pouvant être remonté en fonction de la charge.
Forains : marchands morvandiaux par opposition aux parisiens
Gobillon : Bûche cassée lors du flottage
Garde-rivière : il était instruit, asermenté et responsable sur plusieurs rejets, de la préparation et de la réalisation du flottage, des réparations de la rivière et des infrastructures abimées par les bûches.
Gautier ou Gauthier : arrêt destiné à orienter l'eau vers le bief d'un moulin et à la détourner pendant le flottage.
gord : arrêt amovible pour orienter le flot de bois.
goulotte : la rivière étant "bordée" le centre de la rivière faisait une sorte de canal.
Grillon : bois placé en alternance aux bouts des piles
Jeteur : l'ouvrier sur la berge jetait au "porteur" dans le ruisseau, le bois à flotter.
Martelage : marquage du bois à l'aide d'un marteau portant la marque d'un propriétaire.
Moulée (ou Bois de Moule) : bois coupé à une longueur de 3 pieds et demi (1.14 m) ; dont le diamètre max se mesuraient dans un anneau (Moule) de 18 pouces de tour (45.77 cm).
Pelle : vanne
Pertuis : Vanne ou écluse retenant l'eau sur les rivières de flottage.
Picot : sorte de piolet à long manche permettant de sortir le bois de l'eau.
Poule-d'eau : ouvrier chargés d'assurer la circulation des bûches.
Port de jetage : Espace aménagé au bord de la rivière pour recevoir le bois avant "jetage".
Prise (ou Rôtie ou roûtie) : embâcle qui se produisaitt sur des obstacles, aux confluents de l'Yonne et des tributaires ou dans les virages mal bordés
Ranches : petits poteaux de bois amovibles qui retiennent les ridelles d'un chariot. Signifie parfois un alignement
Ranchie : une rangée, un alignement (de gerbes, d'arbres, etc)
Régalage : réparation des dégâts faits aux berges par le bois flottant.
Rejet : intervalle entre deux lieux-dits. L'Yonne et les plus grands ruisseaux flottables étaient divisés en rejets sous la responsabilité d'un Garde-rivière. Le coût du transport était évalué en nombre de rejets.
Relevage des canards : sortir sur la berge les bois-canards
Rendre-queue ou Toucher-queue : Dégager les dernières bûche bloquées en fin de courrue, en particulier les bûches de "bordage".
Tirage : retirer le bois flottant de l'eau (avec un picot).
Tricage : faire le tri entre les bois de différents propriétaires.
Tortillard (ou tôrteillar) : bûche tordue ne pouvant être empilée correctement
Voiturier : transporteur, "par terre" (charrettes à boeufs) et "par eau" (bateaux)
Simon Sautereau (1704-1768)
Source : Claude Péquinot - 2013
Il est né le 19 mars 1704 à Arleuf. Ses parents, Pierre Sautereau et Jeanne Comte étaient des notables résident à Arleuf depuis au moins 3 générations.
Il épousa en 1729 Marie-Anne Marceau qui lui donna 9 enfants.
Simon était un entrepreneur travailleur et imaginatif. Il entreprit de faire remonter les possibilités de flottage vers la source de l'Yonne, en particulier d'Arringette vers Pont-Charreau.
Il fit creuser les ruisseaux affluents de l'Yonne, créa des étangs comme celui du Châtelet (Etang d'Yonne) qui permirent d'ajouter 3 rejets et de mieux drainer les bûches, des forêts de Planchez, Frétoy, Arleuf et Fachin. Il organisa le commerce du bois, seule source d'énergie connue à cette époque et l'approvisionnement de Paris
Cela lui rapporta beaucoup d'argent, ce qui lui permit en particulier d'acheter la Château de Quincize en 1759 à Pierre Pitoy, gouverneur de Château-Chinon.
Il perdit son épouse en 1756 et mourut le 25 février 1768 à Arleuf
Son fils Simon-Pierre est né à Arleuf le 25 juin 1735
Il prit la relève avec brio dans le Commerce de la Haute-Yonne, hérita de la propriété de Quincize et devint "seigneur de Blisme et de Saint-Maurice (Montreuillon)".
Il perdit son épouse Reine Millin le 8 aout 1775
Il ne fut jamais anobli et il vécut essentiellement à Arleuf. Il mourut à Autun en 1803.
Jean Rouvet
L'un des premiers pionniers du flottage sur l'Yonne
Il était le créancier de G. Deffroissez le premier à essayer de flotter sur l'Yonne mais qui se ruina à cette tâche.
Jean Rouvet tira la leçon de l'échec de son débiteur et lui, il était beaucoup plus riche ;
Avant quoi que ce soit, il aménagea la rivière et embaucha suffisamment de personnel.
Il se fit devancer par Charles Lecomte Morvandiau d'origine, Maitre charpentier à l'Hotel de ville de Paris, sur l'Yonne en 1547, qui le ruina lui aussi. Mais l'essai de Jean Rouvet en 1549 sur la Cure fut un succés.
Pour des raisons politique, André-Marie-Jean-Jacques Dupin (dit Dupin Aîné) fit naître cet homme, qui d'ailleurs n'avait rien demandé, à Clamecy.
Il passa sous silence le fait qu'il flottait sur la Cure et ne transitait donc pas par cette ville mais par Vermenton et il lui attribua "l'invention" de la méthode de flottage par bûches perdues et trains de bois.
Dupin fit ériger une colonne et placer un buste de Napoléon (devenu obsolète sous Charles X !) modifié par Pierre-Jean David sans trop de soucis de ressemblance vu que le héros était mort depuis le xvie siècle et ne pouvait donc pas protester.
Dupin qui lui, était originaire de Varzy, à 16 km de Clamecy où se trouvait son vivier d'électeurs, obtint ainsi une grande popularité !
La farce pris fin le 14 juillet 1945, quand le buste fut remplacé par la statue d'un flotteur anonyme oeuvre de Robert Pouyaud et dédicacée "aux flotteurs de Clamecy". Il est vrai qu'on aurait pu aussi étendre l'hommage à tous ceux qui travaillaient au flottage sur l'Yonne avant cette ville, mais ils n'avaient rien demandé ... !
Gilles Deffroissez
Maitre de forge du Nivernais, le premier pionnier du flottage sur la Cure
Il voulait flotter sur la Cure car l'Yonne ne devenait navigable qu'à son confluent, à Cravant.
Avant lui, le bois qui arrivait par charrettes à Cravant était chargé sur des bateaux, les Margotats.
Il s'est entêté malgré son manque de moyens financiers et jeta son bois sans avoir suffisamment préparé la rivière (enlèvement de rochers et des divers obstacles, nettoyage des rives, etc.) avec un manque de personnel (poules-d'eau) pour le suivi du flot :
►il y a réussi en 1546 jusquà Cravant mais n'est pas arrivé à Paris. Il a tout perdu et s'est retrouvé employé de Jean Rouvet !
Jean Partiot (1926-2013)
Colonel d'aviation, médaille de la libération et Commandeur de la Légion d'honneur, Jean Partiot servit son pays sur plusieurs continents au long d'une vie trépidante et dangereuse
Une fois en retraite, il replongea ses racines dans sa terre de Montreuillon
Il réalisa en particulier une généalogie riche de plus de 1200 fiches et remontant à 1543 : rares sont les vieilles familles de Montreuillon qui n'ont pas à un moment ou a un autre mélé leur sang à sa famille. Il vérifia des milliers d'actes et consacra beaucoup de temps à observer et comprendre par lui-même les lieux où avaient vécu ses lointains parents.
Un autre essai significatif intitulé "Sébastien Partiot, petit propriétaire au XIXe siècle" témoigne de la grande connaissance et de l'amour qu'il portait à son terroir et à ceux qui en vécurent
Malheureusement ces documents n'existent pour l'instant que sous forme dactylographiée en une quinzaine d'exemplaires destinés à sa famille
Il fréquenta l'école de Montreuillon jusqu'à l'obtention de son certificat d'étude.
Il s'initia ensuite à l'art de la ferronnerie en compagnie de son ami et futur beau-frère, son ainé de 9 jours, Léonard Migneau, probablement avec le père de ce dernier, Louis Migneau, maréchal à Epiry.
Il se maria à 25 ans, en 1849 avec Marie Graillot, une jolie fille de Montreuillon qui lui donna 2 enfants, Claude-Félix et Albert . Ils vécurent dans la "maison Girard" située en bas du bourg.
Il travaillait avec son beau-frère Léonard à la forge qui avait remplacée la menuiserie de son père André dans la "maison Baillot".
En mai 1858, sous le second empire, il fut embauché à 34 ans comme "garde-rivière"1-129 par la Compagnie de flottage de la Haute-Yonne et il y travailla pendant presque 30 ans jusqu'en 1887, trois ans avant sa mort à 66 ans.
Le carnet de marche du Garde-rivière
Le garde-rivière était un élément essentiel de la filière du flottage. Il représentait la "Compagnie de flottage de la Haute-Yonne" (ou le Commerce2 de la haute Yonne) à Montreuillon.
Il était instruit et responsable sur le terrain du bon déroulement des opérations.
Il notait chaque jour dans un carnet ce qu'il faisait et rendait compte tous les 3 mois au Garde-général de Château-chinon.
Ce document est donc très précieux et permet aujourd'hui de connaître au jour le jour, dans l'espace et le temps comment était organisé le flottage dans la Haute-Yonne.
La compagnie, fondée en 1763 par les "marchands forains" (locaux) pour échapper à la tutelle des échevins parisiens se chargeait d'acheminer le bois depuis les étangs du Morvan jusqu'en Vaux d'Yonne, à Clamecy.
le rejet n°4, de l'"arrêt"103 de Marigny au Pont de Montreuillon
le rejet n°5, du Pont de Montreuillon au pont de Bellevault
rejet n°16, le Bruy3 et la Baye dans leur totalité.
Le Garde-rivière devait répertorier le bois marqué au niveau de chaque étang et le prenait alors en gestion :
définir le flot125 qu'il empruntera, faire en sorte qu'il chemina correctement, sans embâcles120 et que le maximum de produit arriva en bon état au rejet suivant
vérifier que les canards107 furent récupérés et mis à sécher en vue d'être jetés dans le prochain flot ou transportés par charrette dans les Vaux d'Yonne.
Il fallait ensuite s'assurer que la rivière fut "régalée"145 c'est à dire réparée, tout comme les ouvrages endommagés par le flot (vannes, gauthiers130, etc.)
Les flotteurs dépendaient beaucoup de la pluie qui remplissait les étangs, des crues qui détruisait leur travail, donc tout devait être prêt pour lancer une "courue"117 dès que les conditions étaient réunies (sur l'Yonne il pouvait y avoir 4 flots consécutifs pendant l'hiver et sur les petites rivières Beuvron et Sauzay, jusqu'à 15 !) (E. Guillien - 2007)
Le garde devait donc embaucher du personnel pour cela (le plus souvent des paysans qui devenaient "flotteurs" pendant l'hiver) et veiller à ce que tout soit fait selon les règles.
Il avait également un rôle de police, veillant à éviter le vol du bois et gérer les conflits.
Bien sûr il devait coordonner son action avec les gardes en amont et en aval4 et participer à la livraison de matériaux, planches pour les buteaux et la construction des bachots104 (à Planchez et Corrancy) par exemple.
Dans son carnet le 6 février 1861 : J'ai été toute la journée dans les bois de Montliffé, aider à charger des planches à bateaux pour mener à Corrancy et le17 janvier 1862 : J'ai été dans les ventes de M. Bottin voir si j'aurais trouvé des arbres propres à faire des planches à bateaux ou encore le 29 juin 1867 : je suis allé au bois de Coulon pour aider à charger des planches à bateaux.
Et comme indiqué en première page de son carnet : "il n'oubliera pas, que sa devise était : probité, zèle, exactitude et économie" et enfin qu'il devra rendre compte au Garde général de Château chinon, M. Duvernoy.
L'immense massif forestier du Morvan attirait bien des convoitises, d'autant plus que nombre de nobles et de riches bourgeois parisiens possédaient des propriétés dans la région.
Mais il fallait acheminer ce bois !
Impossible de le faire par la route : il en existait très peu, elles étaient en mauvais état, mais surtout, la demande portait sur des centaines de milliers de stères chaque année et toutes les charrettes du Morvan n'y auraient pas suffit.
Les inondations de Paris provoquées si souvent par les crues de l'Yonne donnèrent des idées : pourquoi ne pas provoquer des crues controlées qui se chargeraient du transport ?
Les deux étapes du flottage
Les préoccupations étaient complètement différentes selon qu'il s'agissait du Morvan ou des vaux-d'Yonne.
Schématiquement en amont ou en aval du tronçon clamecy‑Lucy-sur-Yonne pour l'Yonne et vermenton‑Cravant pour la Cure, il fallait :
en amont, en Morvan, organiser la coupe et la gestion des rivières et du bois transporté par flottage à bûches perdues6
en aval, dans les Vaux d'Yonne, acheminer la moulée136 jusqu'à Paris, d'abord par train de bois7 et plus tard chargée sur les "flûtes de Bourgogne"8
Le flottage aval : des Vaux d'Yonne à Paris
Le spectacle des trains de bois de 75 m arrivant à Paris, la réputation technique et politique des flotteurs et leur histoire était il est vrai passionnante.
Comme l'était le culte de Jean Rouvet41 matérialisé par un monument sur le pont de Bethléem, même s'il est remplacé aujourd'hui par la statue allégorique dédiée "aux flotteurs de Clamecy".
C'est aussi à Clamecy se gérait, l'arrivage des flots à bûches perdues, la fabrication des trains de bois7, et le changement de Commerce et de propriétaires du bois.
Enfin, l'influence du député Dupin-ainé, une excellente communication, le fait d'avoir un statut de "ville d'arrest" lui conférant des avantages sous forme de facultés d'ingérance et des diminutions de charges la confortait en ce sens.
Tout cela a fait de Clamecy la "capitale auto-proclamée du flottage"...
La bibliographie papier et numérique permettra donc au lecteur intéressé de compléter sans difficultés ses recherches sur cette deuxième étape, la partie aval du flottage, l'acheminement depuis Clamecy jusqu'à Paris.
Mais évidemment, Saint Nicolas , patron des flotteurs en est garant, le flottage commençait bien en amont de Clamecy.
Selon J.‑B. Thomas (1840), c'est en 1640 que les premiers "bois volants"109 commencèrent à flotter sous le pont de Montreuillon.
Les courues117 s'achevèrent 43 ans après que les bateaux aient remplacé les trains de bois de Clamecy.
Enfin, au xixe siècle, c'est à Château-Chinon que le Garde-rivière Léonard Girard, rendait compte.
L'activité de ces flotteurs "de la montagne", aussi mal payés et miséreux que leurs frères des Vaux d'Yonne, n'en fut pas moins difficile, spectaculaire et indispensable à leur travail et à l'approvisionnement en bois de la capitale.
Le flottage amont : des forêts et des sources jusqu'au Vaux d'Yonne
Aménagement du dispositif
En hiver l'eau suinte de partout dans cette région. Elle circule sur une roche-mère de granite9 très proche de la surface, elle émerge de temps en temps sous forme de miolles ("mouilles") ou de "nayous" ("mares").
Ce qui ne signifiait pas dire qu'il eût suffi de jeter une bûche dans un ruisseau pour la retrouver à Lucy-sur-Yonne prête à être mise en train de bois par les faiseurs de flottage10 et livrée à l'acheteur.
Il fallut au cours des siècles aménager les cours d'eau, définir des règles de fonctionnement et former du personnel pour que du bois acheté à un propriétaire forestier en Morvan se retrouva bien à la disposition de l'acheteur parisien 300 km plus loin.
Les étangs
Le réseau de ruisseaux et des affluents de l'Yonne était impressionnant et l'ensemble orographique fonctionnait comme un entonnoir qui rassemblait toute l'eau du Morvan pour la conduire dans l'Yonne.
Le sol étant imperméable, la moindre pluie tombant quelque part sur le massif se traduisait par une élévation du niveau de la rivière
Encore fallait il disposer de cette opportunité au bon moment pour faire flotter le bois. Il fallait aussi que la hauteur d'eau soit suffisante, au moins pendant la durée de cette opération. Des centaines de petits étangs11 furent donc créés proches des sources des ruisseaux en barrant les rus par des digues pourvues de vannes (ou pelles)12 .
Crues artificielles
En les vidant, la crue contrôlée provoquée entraînait le bois sur les cours d'eau et l'amenait jusqu'au port de jetage.
Si toutes les pelles137 étaient ouvertes il y avait suffisamment d'eau pour créer un flux continu de rondins qui descendait l'Yonne13. C'était le flot.
L'étang d'Yonne - L'embarquement remonte en amont
jusqu'en 1743, le flot ne pouvait commencer qu'à Arringette au confluent de l'Oussière.
En 1605 les frères Claude et Pierre Vaucoret de Château-Chinon achetèrent au Seigneur de Glenne (vers Glux), Gui Blondeau l'ancien étang de la Proye plus ou moins comblé et l'aménagèrent (Port des Lamberts). C'est le plus proche de la source, mais il resta l'équivalent d'un port de jetage d'un ruisseau.
Simon Sautereau eut l'idée de faire creuser un grand étang (l'étang d'Yonne) dans un marécage situé au Châtelet qui récupérait les eaux de plusieurs ruisseaux. Cela permit de remonter la rivière flottable plus haut en amont, d'ajouter 3 rejets et de mieux drainer le bois des forêts de Planchez, Frétoy, Arleuf et Fachin.
En une vingtaine d'année l'embarquement en amont d'Arringette passa du confluent du Touron à celui de Beauregard et enfin à la pelle de l'étang d'Yonne, ce jusqu'en 1923.
Les "bois-volants" ou le flottage à bûches perdues dans le Haut-Morvan
En forêt
En hiver, les propriétaires définissaient les parcelles à exploiter.
Ils rencontraient, des "marchands intéressés au flottage à bûches perdues" ou le plus souvent ils déléguaient leurs représentants, des "facteur de bois"15-124
Ceux-ci étaient des morvandiaux instruits qui connaissaient bien, le terrain et la technique du "furetage"17, les tarifs, les habitudes, les ouvriers et savaient gérer leurs intérêts.
Les "facteurs de bois" achetaient par addjudication les coupes et s'acquittaient des frais divers (enregistrement, dépose de l'empreinte des marteaux, travaux d'accés, etc.)
Ils embauchaient les bûcherons, les fagotiers, les charbonniers, les charpentiers et les couples de scieurs de long (le "singe" en équilibre au dessus et le "renard" en dessous) et tout le monde se mettait au travail !
Dans les forêts proches, les bûches devaient être coupées à une longueur de 3 pieds 6 pouces (1.14 m) et calibrée en diamètre 16. Elles étaient alors appelées "la moulée"136.
Celle-ci était empilée en "cordes morvandelles ou cordes de forêt"116 correspondant à 4 à 6 stères selon les ruisseaux.
Au printemps, un "voiturier"152 la transportait en charrette à bufs à 2 roues, très maniables, en empruntant des chemins tracés dans "les endroits les moins dommageables"17 pour la forêt, jusqu'à la digue d'un étang.
Elle était alors à nouveau empilée en "cordes morvandelles".
Le "facteur de bois" qui avait retenu la coupe faisait à nouveau empiler la moulée, mais en cordes aux normes du Commerce (4.7 stères soit 8 pieds de long sur 4 pieds de haut d'après l'ordonnance de Colbert de 1672) par un "empileur" et faisait marteler135 chaque bûche aux deux bouts à son empreinte.
Le bois séchait alors sur place jusqu'à l'hiver suivant.
L'entrepreneur de flottage
Avant la création du Commerce (1764), "les marchands intéressés" se chargeaient du transport, depuis l'étang jusqu'à Clamecy.
C'était la règle du "chacun pour soi" et les procès foisonnaient. Certains bloquaient la rivière sans soucis de ceux qui arrivaient derrière.
Ainsi en 1685, un flot de 20 000 cordes parti de Corrancy la 19 février, passa à Montreuillon le 20 mais fut bloqué à Armes par l'encombrement des ports du bas.
Les bûches perdues circulaient en même temps que les trains en preparation si bien qu'en 1710 par exemple une crue soudaine précipita la moulée sur les trains et les coupons en construction et les éparpillèrent dans la râcle.
De même en 1712 une nouvelle crue jeta les bûches sur l'arrêt de Reigny et le cassa. Des trains se détachèrent, des coupons coulèrent et des piles furent éboulées et dispersées.
Une organisation s'imposait !
Dès la création du Commerce une nouvelle corporation vit le jour : "les entrepreneurs de flottage" qui travaillaient sur les ruisseaux tributaires de l'Yonne.
Ils devaient amener la moulée, des étangs jusqu'au port de jetage18. Ils avaient en charge l'entretien du ruisseau et de l'étang, les jetages19, les tirages20, le tricage21, l'empilage22 sur le port, le toucher-queue23 et le relevage des canards25 26 , le régalage24 du ruisseau (pendant l'été, le ruisseau était nettoyé de tous les obstacles (pierres, chablis, etc.) et réaménagé (rectification des virages difficiles, etc.).
Il ne pouvait plus cumuler les 2 fonctions (marchand et transporteur) et ils devait traiter tous les marchands équitablement. Les marchands payaient directement le service. En 1878 ils devinrent directement salariés de la Compagnie.
Le Garde-rivière dressait avec l'entrepreneur l'état des bois empilés, leurs marques et dressait un mémoire pour le Garde‑général qui lui même le transmettait au Commis‑général. Par exemple le 6 et 7 avril 1863 Léonard était au bureau : Travaillé aux mémoires des ruisseaux.
En automne, quand ce dernier avait tout reçu et que le bois était sec, il avait les éléments pour décider rapidement des dates du prochain "embarquement" sur les ruisseaux (l'entrepreneur devait obéir immédiatement) et du "flot" sur l'Yonne.
Le transport par voiturier par terre
Certains propriétaires regroupaient du bois de plusieurs origines et le transportait sur une portion du trajet par voiturage.
les descendants de Vauban par exemple avaient acheté à Epiry un domaine ayant appartenu 1 siècle plus tôt à Jean Rouvet. Ils regroupaient du bois venant de la forêt de Blin (bassin-versant27 de la Loire, vers la source du Trait affluent de l'Aron), et de "Champ-comau" à Montreuillon pour être jeté au port de Bellevault.
Plus tard un certain Le Peletier allié de leur famille et Comte d'Aunay, Baron d'Epiry, St‑Péreuse, Dun-sur-Grandry, Seigneur de Cervon, La Chaume, Le Tillot, Marcilly, Vernizy, Le Creuset, Surpalie, Sardy et autres lieux ... transportait son bois depuis le Bazois (Cuy) jusqu'en Bellevault. Avant qu'il n'aménage le "ruisseau de la forêt" et ne fasse une dérivation pour rejoindre le ruisseau de Picampois et l'Yonne.
Entre 1821 et 1830, cette famille aura expédié sur Paris 20 000 stères par an !
D'autres comme les de la Faulotte28 de château-Chinon auraient jeté dans les 3 commerces, la Haute-Yonne, la Cure et les petites rivières
Le vol de bois
Le vol de bois était sévèrement puni et le plus souvent, le coupable préférait "s'arranger" et dédommager discrètement le propriétaire plutôt que d'être verbalisé par le Garde-rivière et subir la vindicte du village (à Montreuillon, certaines familles gardent encore les stigmates de la réputation des "voleurs de bois" !).
Léonard écrivit le 20 août 1867 : "déclaré procès à L. et L. pour une bûche dont il a été arrangé par M. Maleuvre à 50F ou encore le 1er mars 1872 : "trouvé le sieur F. de La Grignon emportant une bûche à la marque [dessin de la marque] et déclaré procés-verbal et il a été "arrangé" par M. le syndic à 10F (l'amende était donc moins chère mais moins discrète, que "l'arrangement" avec le propriétaire !).
L'affouage
L'affouage29 coutumier restait légal mais en forêt, loin des villes, les propriétaires faisaient tout pour le contrarier.
Le moindre écart (qui n'étaient pas l'exception étant donné la pauvreté chronique en Morvan) se réglait au tribunal.
Dès qu'il y avait de l'eau, entre octobre et décembre, mais souvent avant la Saint‑Martin (11 novembre), c'était l'"embarquement"121 sous les étangs.
Dans le carnet de Léonard : le 19 mai 1882 : Je suis allé à Quincize chercher les clefs de la Baye. En effet, l'eau des étangs étant achetée, certaines vannes étaient fermées à clef. Une fois les cadenas retirés, les "déboucheurs" relevaient la pelle supérieure30 et le bois était jeté.
Quand il n'y avait plus d'eau, les bûches coincée dans les "gevrines"49 étaient sorties et entassées sur les rives.
Quelques jours plus tard, l'étang étant à nouveau rempli, les entrepreneurs jetaient à nouveau dans le ru jusqu'à ce que tout le bois soit arrivé au port de jetage sur l'Yonne pour profiter du flot à venir.
La crue artificielle permettait de faire descendre par flottage les cordes de bois sec, vendues et marquées l'année précédente (c'était la "courue avant flot" encore appelée la "courue des ruisseaux").
Dans le carnet de Léonard : le 2 avril 1863 je suis allé sur la Baye faire lâcher l'étang de Mouillançon. Sur la Baye et le Bruy, il n'y avait pas d'entrepreneur, c'était donc à lui de lancer l'embarquement.
Le choix de la date était délicat car, trop tard une crue pouvait survenir et emmener la moulée empilée au port (la plupart des grandes inondations observées sur l'Yonne se produisaient entre décembre et février) et trop tôt ils pouvaient louper une occasion de déclencher un flot en profitant d'une petite crue !
C'est le Commis‑général qui déclenchait l'embarquement au vu des mémoires des Gardes‑rivière. Ces derniers avertissaient les Maires deux semaines avant : le 14 novembre 1861 Reçu la fiche d'embarquement et porté signer à M. Bottin [alors maire de Montreuillon] et le lendemain Porté la fiche à Epiry, fait signer et porté jusqu'à Marcilly (chez son cousin par alliance, Migneau qui faisait de même en aval)
Les cordes parvenues au port de jetage aménagé le long de l'Yonne étaient à nouveau empilées aux "normes des ports".
Le Garde-rivière enregistrait celles qui parvenaient "par voiturier par terre", il fallait être prêt pour le flot !
la Compagnie de flottage de la Haute-Yonne prenait ensuite en charge l'acheminement du bois jusqu'à son arrivée dans les Vaux d'Yonne
Le problème posé par les crues naturelles de l'Yonne sur le flottage est très peu évoqué dans la littérature.
En effet, à part un très petit nombre d'observateurs locaux, personne ne s'en préoccupait tant que l'inondation ne concernait pas significativement Paris !
Ainsi la crue de septembre 1866 qui provoqua une montée des eaux à 3.75 m à Montreuillon (supérieure à celle de 1910).
Elle inonda jusqu'au milieu du bourg (y compris la maison de Léonard) : comment imaginer qu'elle n'ait pas emporté, du bétail, le bois stocké sur les rives et peut être même des habitants ?!
Et il y en eu bien d'autres avant, 1591, 1592, 1613 qui fut "catastrophique", 1625, 1642, 1682 "qui emporta 30 000 cordes", 1725, 1740, 1749, 1764, 1779 "la plus effrayante qu'on ait vue de mémoire d'homme", 1784, 1801, 1836 quand "les bûches entrainées dans les flots furieux détruisirent le pont de Bethléem à Clamecy, le faubourg de Bethléem se trouva isolé et de nombreux trains se trouvèrent bloqués en amont. Il fallut les faire passer par le nouveau canal du nivernais creusé dans l'ancien bief du moulin", etc.
Si les bûches étaient mises à sécher sous les digues des ruisseaux, c'est à dire en haut des pentes et non pas dans les ports de jetage, c'était aussi pour éviter qu'une inondation n'éparpille les empilements dans les "héritaiges" (dans les champs), voire les entraînent bien au delà de Clamecy comme celà s'était produits à plusieurs reprises au cours des siècles.
Les Gardes-rivières devaient se méfier de ce phénomène mais aussi ... en profiter, car lors d'une crue modeste, l'Yonne pleine d'eau pouvait être "flottée" et c'était autant d'étangs restés pleins qui pouvaient être utilisés pour une nouvelle courue sitôt l'inondation terminée !
Par exemple le 14 octobre 1863 il signalait : "qu'il descendait bien du bois par la crue" et une courue achevée en octobre c'était un flot supplémentaire possible (si toutefois il n'avait pas été pris au dépourvu et qu'il y eut déjà suffisamment de bois dans les ports).
Léonard consignait encore le 6 dec 1862 : fini le toucher-queue sur l'Yonne. Une période plus raisonnablement propice à un flot supplémentaire.
Cependant les choses se compliquaient parfois : Un flot parti le 25 février 1687 du Haut-Morvan dut être coupé en 3 du fait d'une crue dont le marchand pensait bien profiter, à Sardy‑les‑Epiry car l'eau montait de plus en plus, à Clamecy du fait de la rupture de l'arrêt de la Forêt et à Coulange pour la même raison (E.Guillien, 2007).
Il dut probablement faire brûler une grande quantité de cierges à St-Nicolas pour que la crue ne soit pas comparable à celle de 1682 qui emporta 30 000 cordes
La glace
Mais il n'y avait pas que les inondations. Il nota le 10 janvier 1862 : J'ai fait une tournée jusqu'à Bellevault voir si la glace n'avait causé aucun mal et encore le 5 janvier 1880 : j'ai été à la foire de Château-Chinon pour parler des dégats causés par les glaces.
La sécheresse
Si l'hiver, les débordements étaient fréquents, en été l'Yonne était à l'étiage . Jusqu'à ce que le barrage de Pannecière soit construit en 1950 dans l'objectif avant toute autre fonction d'assurer un approvisionnement en eau pour la ville de Paris (que deviendrait la capitale sans le Morvan !).
Sur tous les ponts, la foule des curieux attendait l'arrivée de la courue117 car c'était toujours un grand spectacle annoncé : Madeleine Girard, l'arrière‑petite‑fille de Léonard était enfant quand elle assista au passage à Montreuillon de l'un des derniers flots, ce grondement bien connu des riverains, cette rivière de bois; elle s'en souvint toute sa vie et quand elle fut bien vieille à son tour, elle décrivait l'événement à ses descendants avec toujours la même émotion.
Il faut avouer que c'était plus marquant qu'une série américaine à la télévision !
Dès que les conditions le permettaient : soit une crues de l'Yonne naturelle (ce qui n'étaient pas exceptionnel), soit un lâcher d'eau artificiel (les étangs étaient vidés simultanémment provoquant une montée des eaux de l'Yonne de 2 pieds de haut (62 cm), les jeteurs commençaient leur travail.
la rivière était bordée106 , la moulée était "approchée", soit par des charrettes à bufs soit à la brouette, soit à la main.
Elle était jetée directement ou par l'intermédiaire d'un "porteur" placé dans l'eau qui faisait le relais, au centre du flot, dans la "goulotte"132 et parallèlement au courant.
Les "poules‑d'eau"31140 qui travaillaient dans les passages difficiles maniaient l'accroc avec habileté pour ce faire.
Les "cantonniers"113, plus vieux et moins agiles (et aussi moins payés) étaient placés sur des sections plus tranquilles, mais tous s'employaient avec dextérité à replaçer les bûches rebelles dans le flot avec en tête l'obsession, d'éviter les "rôties"142 (embâcles).
C'était en effet leur préoccupation permanente : quelques bûches en travers ou plantées contre un rocher ou des racines, quelques canards mal placés et c'était "l'embâcle" qui nécessitait l'interruption du jetage. Il fallait rapidement le "déprendre" avant qu'il ne soit trop important.
Les ouvriers prenaient de grands risques au moment où la masse de bois désarticulée s'ébranlait sous la poussée de l'eau, pour reprendre le cours de la rivière et plus d'un fut alors happé et broyé.
Tous accouraient et s'interpelaient pour prévenir au plus vite l'amont d'une "prise" en formation. Les flotteurs du port interrompaient le jetage et plaçaient rapidement un arrêt provisoire.
Léonard écrivait dans son carnet, le 29 et le 30 novembre 1863 - surveillé les ouvriers sur les prises aux chômes d'Oussy (actuellement "les chaumes").
Ce qui veut dire d'une part, que la déprise de l'embâcle pouvait durer plusieurs jours et d'autre part que dès la fin novembre il pouvait y avoir au moins un flot de parti. Il notait encore le 30 mars 1864 - je suis allé à Chassy pour arrêter le bois.
Quand l'eau commençait à baisser, les bordages étaient repoussés au centre de la rivière , les "bachots"32 sur l'eau reprenaient ceux qui étaient à la dérive, hors d'atteinte depuis la rive et exécutaient le "toucher‑queue"148, on disait aussi "rendre‑queue".
Il fallait quand tout se passait bien une vingtaine d'heures pour que le flot de Montreuillon arriva à Clamecy, mais c'était rarement le cas.
Alors commençait le difficile travail de "relevage des canards"26 il fallait les récupérer dans le lit de la rivière et les mettre à sécher sur la berge.
Parfois, il y en avait beaucoup (Léonard nota le 30 janvier 1864 : "compté 127 cordes de canards sur le 5e rejet !" [soit presque 600 stères !] et encore le 1er mai 1872 : 140 cordes sur le 5e [les gorges de l'Yonne et le Grand-Ry, comme d'habitude !].
Des rochers avaient été déplacés et roulés dans le lit de la rivière par le courant et la masse de bois qu'elle charriait.
Des arbres arrachés ou brisés jonchaient les abords et d'autres bloquaient le cours d'eau.
Les rives étaient abîmées, les confluents des ruisseaux tributaires devaient être réaménagés, etc.
Il fallait réagir sitôt le toucher-queue. Le 17 avril 1862, Léonard indiquait : surveillé les régalages et finis
Les réparations
Les gauthiers et les infrastructures riveraines étaient souvent endomagés par les bûches frappant avec force comme des bêliers.
Le 6 août 1862 : "j'ai vu renforcer le gauthier des Grands-Moulins et le 11 aout 1862 : j'ai surveillé les charpentiers pour le gauthier du Renard.
Tous les dégâts occasionnés par le flot devaient être rapidement réparés en vue d'être prêt pour la prochaine courue : chaque courue supplémentaire, c'était un revenu amélioré et les flotteurs n'étaient pas riches !
Léonard devait s'assurer en permanence que le dispositif soit propre et opérationnel.
Montreuillon est situé dans le Morvan granitique, à une trentaine de km de la source de l'Yonne.
De plus, le village est situé dans une caldeira dans laquelle la rivière s'est frayée difficilement un chemin tortueux en resortant par des gorges étroites.
Elle coule au fond de cette cuvette à une altitude de 240 m et les ruiseaux tributaires qui l'alimentent, prennent leur source à 400 m immédiatement au-dessus. Sur une distance très courte, ils descendent de 200m en altitude sur une pente de 20%, si bien que ce sont de véritables torrents qui arrivent aux confluents (voir carte).
Tout le bois de la haute-Yonne passait donc par les gorges de Montreuillon et quittait le granit à Bellevault.
C'était un endroit stratégique à surveiller particulièrement et seul un garde-rivière du pays ayant une bonne connaissance des caprices des torrents pouvait gérer ce fonctionnement hydrologique particulier !
Léonard, ses "poules‑d'eau" et ses "cantonniers" surveillaient particulièrement, le Cizeau et Les joncs à Marigny et Oussy, sur le 4e rejet et 2 importants affluents de l'Yonne, Le Bruy et le Grand-Ry sur le 5e.
Le Bruy
L'embouchure se situe dans un virage de la rivière principale.
Le confluent fut aménagé en Y pour que les bûches provenant du ruisseau se présentent parallèlement au cours de l'Yonne.
D'ailleurs l'étude du carnet de marche de Léonard montre qu'il prenait parfois le risque de jeter à la fois sur le Bruy, sur la Baye (en réglant la priorité des flux par des vannes) et sur l'Yonne ce qui perrmettait d'économiser de l'eau donc de l'argent :
2/12/1861 - flotté sur le Bruy et arrêté la courue dans le bas de la Baye
3/12/1861 - flotté sur la Baye et surveillé le flot sur l'Yonne également
4/12/1861 - Surveillé le flottage sur la Bruy et sur l'Yonne le soir
5/12/1861 - Surveillé le flottage sur la Baye et sur l'Yonne
6/12/1861 - nous n'avons pas flotté
►Y aurait il eu un embâcle en aval ?
7/12/1861 - Flotté sur le Bruy et sur l'Yonne
8/12/1861 - Nous avons flotté sur l'Yonne
9/12/1861 - Nous avons rendu la queue de la Baye
10/12/1861 - Nous avons rendu la queue du Bruy jusqu'à la rivière
12/12/1861 - Nous avons touché queue jusqu'à Bellevault
Le 13 décembre 1861 et les jours suivants : relevage des canards, régalage, etc. sur les 3 cours d'eau ... la routine, mais une rude quinzaine pour Léonard !
Le Grand-ry
Il débouche perpendiculairement et directement dans un virage en "épingle à cheveux" de l'Yonne43.
Curieusement, le Grand-ry (le Grand ru en français) n'est pas cité par les cartes de J. B. Létouffé (Commis général de la Compagnie des intéressés au flottage de la Haute-Yonne).
Pourtant il était bien flotté puisque Léonard signala le 15 avril 1862 : j'ai fait une tournée jusqu'au ruisseau du Grand-ry voir les tireurs de canard et il y revint 2 jours plus tard : le 17 avril 1862, j'ai veillé au relevage des canards. S'il y avait des bois‑canards, il y avait du flottage !
Ce ruisseau était par ailleurs équipé d'un étang46 pourvu d'une digue de 4 m de haut.
Il reçevait plusieurs tributaires qui prenaient leur source comme lui à 426 m sur les pentes du Mont Grantin. Le flot était tellement rapide qu'en plusieurs endroits l'eau coulait directement sur la roche-mère
Que ce soit pour canaliser le flottage sur le Grand-Ry ou les perturbations du flot de l'Yonne, occasionnées par le torrent, il est évident que beaucoup de monde devait se trouver en cet endroit prêt à gérer l'embâcle quasiment inévitable.
En 1782 la demande parisienne devenait de plus en plus importante, l'hiver fut rude et le Morvan ne suffisait plus !
Louis XVI demanda alors l'extension de l'exploitation aux forêts du Bazois.
Pour cela il fallait franchir la ligne de partage39 entre les bassins versants27 ligérien38 et icaunais37.
En effet des propriétaires en Bazois transportait déjà leur bois depuis la forêt de Blin et depuis Cuy par voie de terre jusqu'en Bellevault.
D'autres jetaient à Crux-la-ville par la Vaucreuse ou par l'Arthel et le flottage sur les petites rivières, mais cela restait insuffisant.
En avril 1784 le creusement d'un canal et d'une rigole de flottage traversant la rhyolite à La Collancelle fut engagé. Ce tunnel qui était taillé à la dynamite et à la main causait beaucoup de difficultés et d'accidents et les travaux furent arrêtés.
Cependant la demande était toujours aussi pressante. En mai 1786, Une commission scientifique composée des abbés C. Bossut, A. Rochon et N. de Condorcet étudia la situation et conclut à la nécessité, non seulement de poursuivre le projet, mais rendre cette voie d'eau navigable ! Elle deviendra le canal du nivernais et sera achevée en 1843 avec l'inauguration de l'aqueduc de Montreuillon !
Après 1843 et la mise en service du canal du nivernais, le relais fut partiellement assuré par les "flûte de Bourgogne"8.
La moulée transportée s'appelait alors le "bois-neuf"33 (qui n'avait pas séjourné dans l'eau).
Mais ces bateaux perturbaient plus qu'ils n'amélioraient, la mécanique bien huilée des flots approvisionnant les trains de bois.
En effet elles chargeaient les bûches à La Chaise en un endroit où les risques d'embâcles étaient déjà réduits, le canal traversait l'Yonne à Basseville ce qui créait un constant conflit entre la circulation des flots et des péniches.
Et surtout, elles devaient décharger le bois à Clamecy car l'Yonne n'était pas navigable après Auxerre pour ces lourdes embarquations et le reste du voyage s'effectuait de façon traditionelle, par train de bois.
C'est seulement en 1875 que l'Yonne et la Seine furent canalisées. Les trains de bois furent alors interdits en 1880 et toute la moulée fut dès lors acheminée par "flûtes" depuis Clamecy
Le charbon de terre, nouvelle source d'énergie
Dès le xviiie siècle l'angleterre remplaçait progressivement le bois énergie par le charbon de terre (la houille en opposition au charbon de bois).
En France, cette révolution industrielle eut lieue au siècle suivant.
Elle vit sa victoire célébrée en 1889 lors de l'exposition universelle à la gloire des nouvelles sources d'énergie et de l'acier (Tour Eiffel ...)
La fin de la demande en bois
La production est passée de ≈315 000 stères à la moitié du xviiie siècle à ≈830 000 en 1720 et ≈1.5 millions à la fin de l'ancien régime, soit 4000 stères par jour (J. Buridant 2006). Cela représentait 90% du bois consommé à Paris.
Elle déclina ensuite au xixe siècle avec 219 000 stères en 1840, 108 000 dans les années 1870, 96 000 dans les années 1880 et 45 000 au début du xxe siècle.
Avant 1880, dans le Haut-Morvan les flotteurs parlaient de "courues avant flot" ou de "courues des ruisseaux" qui amenaient le bois des digues des étangs jusqu'aux ports de flottage sur l'Yonne et de "flots" qui acheminaient des centaines de milliers de stères jusqu'à Clamecy.
Généralement il y avait 2 flots mais Il pouvait y avoir jusqu'à 4 dans l'hiver.
La consommation de bois parisienne déclinant en passant de 1.5 millions de stères à moins de 50 000 en un siècle, l'exploitation de la moulée dans le Morvan devenait logiquement de moins en moins importante et le bois de moins en moins cher.
Après 1880, il ne restait plus que 2 courues qui furent alors appelées :
le Petit flot> en décembre-janvier qui approchait le bois dans les ports de jetage en amont d'Arringette
le Grand flot en Mars qui descendait la moulée dans les Vaux d'Yonne pour être chargée dans les "flûtes de Bourgogne".
La date limite du 15 avril n'avait plus lieue d'être puisque le transport par bateaux avait réglé le conflit entre la gestion des flots et la construction des trains.
La foire au bois de Château-Chinon
Depuis des générations, les "intéressés aux flots de la Haute-Yonne" et les propriétaires formaient un club de notables à Château-Chinon, où tout ce (beau) monde se fréquentait.
Chacun connaissait les vendeurs et les revendeurs48 et les facteurs de bois étaient des morvandiaux.
Propriétaires et marchands se retrouvaient dans les salons ou les tavernes selon le type de négociation. Il y avait ou non un acte notarié selon les liens familiaux ou amicaux en vigueur et la notoriété souhaitée être donnée à la démarche.
L'habitude était prise de se réunir entre "intéressés" en début novembre alors que les mémoires des gardes‑rivières concernant l'état du bois prêt au flottage étaient disponibles et de décider des jours d'embarquement et du nombre de courues nécessaires.
Avec la chute de la demande et des prix les choses se compliquèrent dans les années 1889. Dans les études notariales il était de plus en plus fait allusion à des faillites imminentes.
Des affiches annonçant une "foire au bois" firent leur apparition. L'année suivante, la population était invitée à admirer le prochain flot (!), on parlerait aujourd'hui d'opérations de communication.
Les règles du jeu changeaient (les vendeurs devraient prendre en charge le jetage), certains propriétaires menaçaient de ne plus passer par le Commerce et de revenir aux coutumes du temps de Louis XIV. D'autres transportaient leur bois à Autun pour être acheminé par le tacot.
En 1893 le flottage sur les petites rivière cessa.
En 1910 il n'y avait plus que 30 000 stères jetées dans l'Yonne. En fait c'était la débacle, chacun essayait de limiter les dégats et l'ambiance feutrée n'était plus de rigueur.
L'irrémédiable se produisit en 1923 : le dernier flot de 10 000 stères passa sous le pont de Montreuillon.
Le flottage a fait vivre des milliers de personnes dans cette région pauvre qu'est le Morvan mais 400 ans d'anthropisation de l'Yonne ne pouvaient pas rester sans conséquences sur l'environnement.
Sur le milieu physique
Les crues artificielles ajoutées aux débordements naturels torrentiels de la rivière accélérèrent l'érosion, arrachèrent des rochers et modifièrent les berges.
Quand ces torrents transportaient des flots de bûches, sur une roche-mère granitique ce n'était pas trop visible, mais l'observation de la Vaucreuse par exemple, sur des terrains plus meubles, est spectaculaire : un ruisseau de 1 m de profondeur sur 1.5 m de large au xviie siècle s'est transformé en une tranchée de 15 m de profondeur sur 20 m de large !
Quant aux roches déplacées, il faut se souvenir que chaque flot était suivi du "régalage" de la rivière. Il consistait en particulier à retirer tous les obstacles du lit du cours d'eau pour que l'écoulement soit le plus facile et le plus rapide possible.
Les roches étaient donc enlevées du lit du cours d'eau et utilisées pour consolider les berges ou jetées dans les talus en bordure; les graviers étaient retirés et éventuellement le fond creusé comme le fit S. Sautereau au Chatelet.
Enfin l'accélération du débit déracinait les arbres de rive et limitait le dépot d'alluvions bénéfiques pour la faune et la flore.
Sur la qualité chimique de l'eau
La ville de Troyes dénonça la présence de tanins lié à la grande quantité de bois circulant dans l'eau.
Les raisons qui ont motivées cette affirmation étaient discutables (A. Corvol, 1997). Il n'empêche que les parisiens préfèraient consommer ces polyphénols dans un bon vin de Bourgogne plutôt que dans de l'eau trouble !
De façon plus sérieuse, nombre de micro-organismes y sont sensibles et comme aucune analyse chimique ne fut pratiquée aucune spéculation ne put être faite sur la présence d'autres substances.
Sur la faune
L'Yonne, lors d'une courue était comparable à une autoroute qu'une grenouille essaierait de traverser ! toute la faune aquatique était entraînée ou broyée.
Heureusement, l'eau contenue derrière les digues des ruisseaux contenait du poisson qui réensemençait les rivières derrière chaque "courue".
Sur la flore
Le "nettoyage" des rives éliminait la ripisylve aquatique ou semi-aquatique des lits mineur et majeur pour éviter les embâcles et les bois-canards.
Dans les forêts, la composition des populations sylvestres évolua. La forêt primaire fut remplacée par le taillis-sous-futaie, lui même par le taillis et souvent par la bruyère ou le genêt.
L'alibi du furetage ne tenait pas quand les sommes en questions étaient suffisamment importantes.
L'Homme n'a pas attendu le xxie siècle pour détruire les écosystèmes en vue d'un profit financier immédiat
La retraite de Léonard Girard (1824-1890)
Il prit sa retraite en 1887 et décéda le 14 février 1890. Il ne vit donc pas la fin du flottage bien qu'il dut bien s'en douter en voyant de moins en moins de bois passer dans ses rejets.
Il laissa sans le savoir, à la postérité, son accroc et son carnet de marche de Garde-rivière contenant ses notes quotidiennes.
Il a ainsi été possible, de retracer une partie des 30 ans de sa vie passée à parcourir les cours-d'eau de Montreuillon, et sa participation à la grande épopée du flottage à bûche perdues en Morvan.
Une pensée affectueuse à mon père Jean Partiot † qui commenca ce travail et n'eut pas le temps de l'achever.
Un grand merci à Mimile (Emile Guillien † ) pour les informations orale et écrites qu'il voulut bien me transmettre. J'espère ne pas avoir trahi ses propos.
Merci également à Michel Pannetier et Serge Millot qui me permirent de retrouver les noms des ruisseaux et lieux‑dits qui n'intéressent plus les cartes modernes.
Reconnaissance encore à ceux de Montreuillon qui partagèrent les souvenirs qu'ils tenaient de leurs ancêtres entretenant ainsi la tradition orale.
Enfin comment ne pas avoir une pensée pour le héros de l'histoire, mon ancêtre Léonard Girard qui vécut cette aventure et nous donna les éléments pour la comprendre.
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Garde-rivière : il devait être instruit. Il était responsable d'une portion de rivière et de ruisseaux et devait les connaitre parfaitement. Il devait faire en sorte que toutes les opérations du flottage se passent bien. Il embauchait les ouvriers. Il notait chaque jour ses activités et les dépenses et rendait compte au Garde général de Chateau-Chinon.
Commerces : l'approvisionnement de Paris étant estimé stratégique, les marchands parisiens venaient jusque dans le Morvan pour décider des opérations à entreprendre, dans leur seul intérêt et aux dépends des "forains" (morvandiaux). Ceux-ci se révoltèrent et créèrent en 1764 les "Commerces" de la Haute Yonne, de la Cure et des petites rivières (Beuvron, Sauzay) pour gérer l'écoulage sur l'Yonne jusqu'en Vaux d'Yonne et un 4e Commerce pour s'occuper de la descente en train jusqu'à Paris
Le Bruy : affluent de l'Yonne, confluent à Montreuillon. L'orthographe exacte est Brui (sans le t) ou Bruy qui signifie buissons, taillis.
Collégue Garde-rivière : le Garde-rivière responsable en aval après Bellevault s'appelait Migneau, le beau-frère de sa soeur et originaire d'Epiry.
Port du Ferry (Fay) : étant donné la localisation de ce port à quelques centaines de mètre du ruisseau du Fay et du bois du même nom, il s'agit très probablement du port du "Fay" plutôt que le port du "Ferry". En effet, ce terme ne signifie rien en morvandiau et il faut noter que la Baye se prononçant Bé-i comme abeille ou abbaye, Fay devait se prononcer Fé-i ! (il s'agirait sans doute d'une erreur de transcription de prononciation).
Flottage à bûches perdues : il s'agissait de transporter le bois en le faisant flotter, depuis les ruisseaux proches des chantiers de coupe jusqu'à l'Yonne, la Seine et enfin la capitale. Le bois coupé à 1.14m et marqué était jeté à l'eau bûche par bûche, en vrac, alors que tous les barrages étaient ouverts simultanément pour provoquer une vague suffisante pour entraîner le bois jusqu'à Clamecy et Lucy-sur-Yonne. Là, il était récupéré pour y être assemblé en trains, sorte de radeaux de 75 m de long et de 4 m de large et acheminé jusqu'à Paris.
Trains de bois : le "faiseur de flottage et son équipe liaient les bûches (de 1.14 m) pour les assembler en "branches" de 4m de long, les associaient par 4, en "coupons" qui, attachés à 17 autres, constituaient le "train". Chaque train mesurait 75 m de long sur 4 m de large et 50 cm d'épaisseur. Ils comprenait 200 à 250 stères de "moulée".
"Flûte de Bourgogne" : péniche à fond plat, de 30 m de long sur 5 m de large, arrondie à l'avant et plate à l'arrière. Elle était pourvue d'un gouvernail très particulier pouvant être remonté en fonction de la charge. Les "Flûtes" morvandelles ne dépassaient pas 30 m (écluses du canal du nivernais hors normes) et pouvaient contenir seulement 150 tonnes de frêt. Elles furent construites à Clamecy pour le transport du bois (cf. E. Guillien, 1999). Elles étaient halées à bras d'homme et/ou de femme ou plus tard par des chevaux
granite : appelé granit par les carrier et granite par les géologues, se prononce encore en Morvan "grani" comme au xvie siècle.
Faiseurs de flottage : animaient des équipes de flotteurs qui fabriquaient les trains.
Etangs de flottage : pour disposer en amont d'une réserve d'eau permettant de créer une crue artificielle, il fut créé des étangs proches des sources. Les propriétaires en profitaient pour y élever du poisson.
Pelles : vannes installées sur les digues barrant les cours d'eau
Flots : Ils consistaient à créer une crue artificielle en ouvrant simultanément les vannes de tous les étangs et barrages. En novembre-décembre, s'il avait plu suffisamment pour que toutes les retenues d'eau soient pleines, c'était le flot principal, celui qui allait le plus loin (entre Clamecy et Lucy-sur-Yonne ). Il fallait faire en sorte la moulée soit complètement acheminée avant le 15 avril pour libérer la rivière et y être assemblée en "train". Ensuite jusqu'en avril un ou plusieurs flot moins important étaient arrêtés avant Clamecy pour ne pas perturber la construction des "trains". Certaines années, il pouvait y avoir 3 à 4 flots successifs.
une ligne : valait 1/12 de pouce soit 2.25 mm. Une contre-marque ne devait donc pas légalement dépasser 9 mm ce qui semble peu visible pour une trace martelée qui devait subir une immersion de plusieurs semaines dans l'eau, sans compter les avanies du flottage en vrac. La consigne ne fut donc pas appliquée et les marques étaient plus grandes.
Facteur de bois : C'etait le premier maillon de l'exploitation d'une coupe. Il était instruit et travaillait au nom d'un propriétaire. Comme le Garde-rivière, il tenait un carnet de marche qu'il remplissait chaque jour. Il gèrait les visites, l'achat des coupes, les ouvriers (bûcherons, charbonniers, charpentiers, , scieurs de long, fendeurs, etc.), les charrois, les ventes et livraisons.
Bois de Moule (moulée) : le bois était coupé à une longueur de 3 pieds et demi (1.14m) ; le diamètre des plus grosses bûches se mesuraient dans un anneau (Moule) de 18 pouces de tour (45.77 cm) et constituaient "la moulée". Les bûches plus grosses devaient être fendues.
Furetage - Les endroits les moins dommageables : l'exploitation se faisait par "furetage" en choisissant les perches utilisables sans abîmer le reste de la forêt et la future moulée (en Morvan, le terrain est pauvre ; une coupe "à blanc" est souvent suivie par une lande de bruyère irrécupérable). Chaque intervenant devait respecter ce protocole, de même qu'un débardage et un tansport respectueux de la forêt. Des principes oubliés de nos jours ... !
Ports de jetage : Flottage - le bois était amené depuis les chantiers forestiers par charrette ou par les ruisseaux grâce aux étangs situés en amont qui étaient lachés pour créer des crues artificielles. Le bois parvenait ainsi jusqu'à l'Yonne, jusqu'aux "ports de jetage" où il était stocké pour y jeté dans un "flot" lors d'une "courue". Il était ensuite récupéré à Clamecy.
jetage : les bûches étaient jetées par un "jeteur", selon la disposition des lieux, directement dans la rivière ou à un "porteur" placé dans l'eau qui les jetaient précisemment dans la "goulotte" au centre de la rivière.
Tirage : comme à Clamecy, le bois arrivant au port de jetage était retiré du cours d'eau grâce à un "picot".
Tricage : sur la berge, le bois était trié pour être empilé.
Empilage : le bois descendant des étangs et trié par propriétaire, était empilé par un "empileur" en "cordes de port" pour faciliter le comptage.
Toucher-queue : les premières bûches du flot étaient placées le long des rives parallèlement aux berges pour former une sorte de canal (bordage de la rivière). Ainsi les suivantes circulaient plus facilement. En fin de flot, ce bois était à son tour repoussé au centre de la rivière. Les bûches immobilisées par une hauteur d'eau insuffisante étaient retirées de la rivière pour éviter qu'elles ne s'envasent et ne deviennent "canard" ; c'était le "toucher-queue". Après cette opération, il ne devait plus rester que les "canards" dans la rivière. Ils étaient retirés à leur tour lors d'un passage spécial.
Régalage : après une courrue, que ce soit sur les ruisseaux ou sur l'Yonne, la rivière devait nettoyée, les grosses pierres retirées, les bois tombés enlevés, tout ce qui pouvait géner le flot et risquer de créer un embâcle.
Bois-canard : (flottage) se disait des bûches qui avaient séjourné trop longtemps dans l'eau. Elles devenaient pesantes, coulaient et s'envasaient. Les "canards" étaient récupérés après le flot et mis à sécher pour être flottés plus tard ou transportés par charroi
Relevage des canards : selon le niveau de séchage du bois, la qualité de la préparation de la rivière, la qualité de la crue artificielle, un nombre de bûches plus ou moins important coulait ou restait bloqué au fond de l'eau. E.Guillien a donné les chiffres suivants :en 1773, pour 59 843 cordes de bûches il a été relevé 5 194 cordes de canards (presque 10% !)
Bassin versant : aire où se rassemblent les eaux qui se déversent dans un même exutoire (rivière, fleuve, mer).
Claude Etignard de la Faulotte : Maire de Château-Chinon de 1786 à 1789. Il était tellement impliqué dans le commerce du bois avec Paris, qu'en cette période révolutionnaire, il recherchait avant tout le statu-quo. Il ne répondit pas à la proposition de la municipalité d'Autun, soutenue pourtant par C.M. de Tailleyrand et Le Peletier, plus visionnaires que lui, de créer un département morvandiau. Au contraire il demanda son rattachement à Nevers. La proposition autunoise fut donc officiellement écartée le 21 novembre 1789. Le Maire ne fut pas réélu, mais il put continuer son fructueux commerce personnel avec la capitale ! Le Morvan est donc aujourd'hui éclaté dans 4 Départements.
Affouage : aux temps médiévaux, les paysans selon la coutume (mais aussi le bon vouloir des Seigneurs) pouvaient s'approvisionner pour leurs besoins personnels en bois dans les forêts seigneuriales (chauffage, manches d'outils, charpente de leur masure). Ce droit coutumier (J.-L. Balleret - 2010) a été transmis aux communes par la révolution et actuellement, c'est le conseil municipal qui décide, d'instituer, de modifier ou de mettre fin à l'affouage et quelle personne peut en bénéficier (!!). Comme pour la plupart des héritages coutumiers, la loi reste très floue et le sujet reste source de conflits. L'affouage est actuellement considéré comme bénéfique car il contribue au nettoyage des forêts et à la lutte contre les incendies.
La pelle supérieure : La plupart des étangs artificiels comportaient une digue et 2 pelles. Celle du bas permettait de vider totalement l'étang; celle du haut préservait le poisson tout en libérant suffisamment d'eau pour une "courue avant flot"
Poules-d'eau : en morvandiau, "poules-d'iau ou "meneux d'iau". Ouvrier qui guidaient le bois flottant. Ils le faisaient depuis les berges mais ils n'hésitaient pas a descendre dans la rivière en crue si une bûche persistait à se mettre en travers et risquait de créer une "rôtie" (embâcle). En hiver avec une eau proche des 4°, ils devaient avoir une santé robuste !
Bachots : petites barques à fond plat de 18 x 30 pieds (5 m x 9 m) fabriquées vers Corancy et Planchez dans le Haut-Morvan. Elles étaient conduites par des "bacheliers". Dans les endroits où les rives de l'Yonne étaient difficiles d'accés, elles étaient utilisées en fin de flot pour "déborder" la rivière et compléter le "toucher-queue" à l'"accroc" réalisé depuis la berge. Si le courant était insuffisant les bûches de bordage étaient au contraire sorties sur les berges pour éviter qu'elle ne deviennent des "canards". A l'arrivée dans les râcles les bachots étaient utilisés pour ramener sur la rive les bûches à la dérive au milieu du plan d'eau.
Bois-neuf : bois n'ayant pas été "flotté à bûches perdues" mais transporté par bateau
Étiage : abaissement exceptionel du niveau de l'eau; sinon la période où le niveau de l'eau est habituellement le plus bas correspond aux "basses eaux". L'étiage est aussi parfois définit comme le point le plus bas du niveau de l'eau.
Flottage des petites rivières : flottage sur le Beuvron, affluent de l'Yonne qu'il rejoint à Clamecy et le Sauzay lui même tributaire du Beuvron mêlant ses eaux avec lui à moins de 3 km du confluent
Gauthier (ou gautier) : petit barrage en bois permettant de régler la hauteur d'eau lors du flottage
Icaunais : relatif à l'Yonne - vient du nom celte "Ica Onna", rivière divinisée elle était sensée avoir de grande possibilités marchande et elle était sujette à de grandes colères)
Ligérien : relatif à la Loire
Ligne de partage des eaux : limite entre plusieurs bassins versants
Râcle : zone de mouillage commune à la rivière et au canal
Confluent avec le ruisseau de Grandry : situé juste après le "pont Chatriot" et le port de jetage au lieu-dit "les Mortes", le ru descend une pente très rapide et aboutit dans un virage très serré de la rivière . Léonard y allait très souvent de même qu'au Gauthier des grands Moulins et celui du moulin du Renard qui étaient très fréquemment endommagé du fait de leur configuration.
consommation de bois de Paris : en 1789, 4000 stères/jours soit 1.5 millions de stères/an. Cette apogée durera jusqu'en 1804 et diminuera ensuite inexorablement pendant tout le xixe siècle.
Le premier train de bois : le premier train parvenu à Paris sur l'Yonne et la Seine et "affrêté" par Charles Lecomte était conduit par 4 "compagnons de rivière", Philibert et Potencian Guenot, Jehan Bonnet, Pierre Courot ( Procès-verbal du bureau de la Ville (Paris) du 21 avril 1547).
A noter que Pierre Courot et sont frère Etienne étaient "voituriers par eau" à Château-sans-souef (Châtel-Censoir) et avait déjà transporté du bois (echalats, etc.) sur des petits radeaux en 1546 (Minutes du notaire Jean Trouvé du 26 avril 1546) ils connaissaient donc déjà le trajet
Etang du Grand-Ry : cet étang qui maintenant n'est plus utilisé n'est plus indiqué sur les cartes au 1/25 000e de l'IGN. Pourtant la digue de 4 m de haut existe encore de même que les ruines de la vantellerie.
Le décastère : à partir du 3 nivôse An 7 (23 décembre 1798) les empilement se firent en décastères c'est à dire que les bûches de 1.14 m furent empilé en cordes de 3m de long sur 3 m de haut. On fournit pour cela aux empileurs une perche de 3m et la mesure fut adoptée sans difficultés. En forêt la corde morvandelle restait en vigueur.
Les revendeurs : pour avoir une meilleure offre et tirer un meilleurs prix, des revendeurs faisaient le tour des petites exploitations et approvisionnaient les vendeurs ayant pignon sur rue .