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Culture et traditions

Anecdotes

La saga des "piqueux"

La traversée de l'Aqueduc à cheval


La traversée du Grand pont de Montreuillon à cheval

Source : Êlisabeth Trolliet

Un sacré personnage

Monsieur Eugène Guenot-Grandpre, adepte de grande vénerie1 et propriétaire du "Vautrait"2 de Corbigny, chassait, au xixe siècle, principalement sur Corbigny, Cervon, Montreuillon.

Il était assez original et son "piqueux"3 ne l'était pas moins.

Celui-ci s'appelait Jacques Philizot. Il naquit en 1839 à Saint-Hilaire-en-Morvan.

En véritable "homme des bois" il avait une grande connaissance de la forêt, des animaux et de la chasse, et menait une guerre intensive aux "nuisibles". Ce qui lui valut d'être surnommé en vénerie "le Guerrier"3.

L'homme était un excellent cavalier dont les chevaux jouissaient d'une solide réputation, surtout la "Fanchonnette" avec laquelle il chassa pendant 10 ans et "l'Autrichien" reconnaissable à la marque qu'un bois de cerf "au ferme"4 lui avait laissée sur la cuisse.

 

Le pari

Une battue était organisée dans les gorges et les fourrés de Montreuillon, où des bandes de loups avaient trouvé refuge.

Le rendez-vous se trouvait au pont aqueduc qui fait franchir l'Yonne à la rigole d'alimentation du bief de partage du canal du nivernais.

"Le guerrier", fidèle à son personnage, paria avec l'un de ses collègues qu'il passerait avec sa monture sur ce pont. Le pari fut tenu et bientôt, notre homme à cheval apparut sur l'ouvrage à plus de 30 mètres de hauteur, sur un petit trottoir de moins d'un mètre de large bordé d'une balustrade de 60 cm le séparant du vide !

Le moindre écart, le moindre faux pas, c'était la chute fatale !

C'est dans un silence total que les spectateurs assistèrent à l'exploit.

Mais au milieu du pont, ils poussèrent un cri d'épouvante en voyant le cheval s'arrêter et se cabrer.

Pourtant le silence revint : le cavalier avait conservé tout son sang-froid, il maîtrisa et calma sa monture et reprit un pas tranquille pour atteindre l'autre côté du pont.

Le pari était gagné ! Inutile de décrire l'ovation et la fête qui accueillit le héros de l'aventure qui se contenta de déclarer simplement : "Messieurs, j'ai gagné mon pari et j'en suis fier mais je ne recommencerai jamais. Il n'a tenu qu'à un fil que je perdisse. Or, autant qu'à la mienne, je tiens à la vie de mon cheval. Elle m'est trop précieuse pour que je l'expose inutilement."

Le deuxième acteur de l'exploit était son cheval, "l'Autrichien".

 

Une autre version

Un habitant de Montreuillon qui tient le récit de sa mère nous précise qu'à sa connaissance, il n'y aurait pas eu de pari : le cheval aurait pris l'initiative de s'engager sur le pont, qui à l'époque n'avait pas encore de parapet !

Evidemment impossible pour lui de faire demi-tour sur ce passage de 70 cm de large.

Le "guerrier" resta alors en selle et tranquilisa l'animal, plutôt que de sauter dans la rigole et condamner sa monture à une chute certaine.

Effectivement "l'Autrichien" prit peur en arrivant au point le plus haut et sans le sang-froid de son maître il serait tombé.

Inutile de dire que les deux récits se rejoignent concernant les libations qui suivirent et surtout l'admiration de tous pour cet homme courageux qui n'a pas voulu abandonner son compagnon en difficulté.

 

Epilogue

Notre piqueux n'était bien qu'en forêt : en ville il était très étourdi et par deux fois il fallit se faire happer par le train en gare de Corbigny.

La troisième en 1908 lui fut fatale. Il avait 69 ans et cette fois ci, le "guerrier" rencontra plus fort que lui !

Il fut enterré à Corbigny où une bonne partie de sa famille est inhumée et il a laissé un grand souvenir chez les adeptes de la vénerie.

A Montreuillon l'exploit de l'aqueduc fait encore partie de la mémoire collective !

 

 

Michel Partiot Académie du Morvan ‑  juin 2015

 

Remerciements

  • Un grand merci à Elisabeth Trolliet de Montreuillon, pour son texte concernant Jacques Philizot, document déclencheur des investigations et René Lasserre qui s'est souvenu du récit de sa mère
  • à Monsieur Jean-Paul Grouler Conseiller à la Mairie de Nantoin pour avoir préservé de l'oubli les aventures de Louis Philizot et fait en sorte qu'une rue honore le "piqueur de Loup"
  • à Monsieur le Maire de Montreuillon, au secrétariat de la Mairie de Nantoin, celui de la Mairie de Corbigny et celui de la Mairie de Saint-Hilaire-en-Morvan pour pour leur amical entregent et les informations qui ont permis de faire le lien entre ces deux piqueux
  • Merci enfin à Monsieur le préfet François Philizot arrière-arrière-petit-fils de Jacques, le téméraire cavalier de l'aqueduc, petit-neveux de Louis, le "piqueux - diplomate"

    Merci pour son amabilité à se prêter au jeu des questions-réponses et pour les précisions qu'il a bien voulu apporter, concernant la vie de ces deux personnages d'exception, pour le moins originaux, mais surtout professionnels et courageux.

 

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Bibliographie

  • Philizot F. - 2015 - Communication personnelle
  • Mairie de Nantoin (Isère), 1996 - Les 4 Saisons, Bulletin d'information municipal N° 4 - 1996
  • Comte de Marcy, 1930 - Les veneurs du Nivernais, autrefois, aujourd'hui - Ed. Nourry, Paris
  • Comte de Marcy, 1934 - Vieux souvenirs d'un veneur nivernais - Impr. de la Nièvre, Nevers - 148p.

 

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Notes

  1. Vénerie : chasse à courre (ou encore "chasse à courre, à cor et à cri") . La grande vénerie se déroule à cheval et les armes utilisées sont les chiens et la dague. La grande vénerie chassait le loup jusqu'au début du xxe siècle. Aujourd'hui le gibier chassé est le sanglier, le cerf et le chevreuil.
  2. "Vautrait : équipage de chasse (en souvenir des "vautres", grand chiens gaulois utilisés pour la chasse à courre au sanglier). Un Vautrait est dirigé par un "Maître d'équipage" qui gère une équipe de "veneurs" (piqueux, valets de chiens à pieds ou à cheval, etc.) cela peut représenter 40 à 90 personnes.
  3. Piqueux : excellent cavalier qui dresse, contrôle et dirige les chiens en vénerie. Ne pas dire "piqueur" vous passeriez pour un "beurdin" (idiot, naïf)! Lors de son embauche, le Maître d'équipage lui attribue un surnom. C'est lui qui doit "rembucher" (localiser le gibier) le gibier-cible et après accord du Maître d'équipage il lance et dirige ses chiens sur la cible identifiées. Quand le gibier se rend (c'est l'hallali), le Maître ou lui même doit "servir" (achever à la dague) l'animal.
  4. Animal au ferme : un animal qui fait tête aux chiens, qu'il soit aux abois ou pas. Un moment dangereux pour les chiens, les chevaux et les piqueux qui penseraient trop tôt que que l'animal épuisé se rend.
  5. Arandon : commune de l'Isère de 557 habitants; Molestel est situé à 5 km.
  6. Pierre Colliard : (1852-1925). Ancien Ministre du travail et de la Prévoyance sociale du gouvernement Clemenceau. Auteur de la "loi des 8h".
  7. Coaltar : sorte de goudron utilisé pour assurer une étancheité.
  8. Nantoin : commune rurale dynamique de l'Isère forte de 441 âmes. La grande cantatrice Ninon Valin aimait y séjourner (c'était le berceau de sa famille). On peut y emprunter "la rue du piqueur de Loup" ... !
  9. El Hâj Thami El Glaoui : (né vers 1879 - mort en 1956) est considéré comme le plus puissant pacha du Maroc à la fin du xixe et début du xxe siècle. De son vrai nom Thami ben Mohamed El Mezouari, c'était un berbère membre de la tribu des Glaoua de Telhouet près de Ouarzazate. Il fut nommé pacha à moins de 30 ans. Francophile il fut l'ami de Lyautey, fit la guerre de 1914-18 et reçu la croix de guerre avec 2 palmes. Il doit son immense fortune en grande partie à la France en compensation du maintien de l'ordre qu'il assurait avec efficacité sur le Maroc. Il provoqua l'exil de Mohamed V favorable à l'indépendance et dut subir une dernière humiliation quand le monarque revint. Il fut le dernier des grand seigneurs féodaux de l'Atlas

 

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