Malgré la qualité de vie en pays occitan, il avait le Morvan greffé à la peau et son village c'était Montreuillon où il venait le plus souvent possible.
Ses compagnons de jeunesse l'appelaient "Jean-l'aviateur" car depuis toujours ils savaient que c'était sa vocation et qu'il suivrait l'exemple de son cousin pilote, Henri Petitguillaume.
Longtemps après les courses entre gamins, sur le dos des cochons et les grandes expéditions à travers champs et forêts, Jean devenu Colonel resta toujours le même pour ses anciens camarades restés au village : Vanitas vanitatum ... seules comptaient pour lui l'amitié et la valeur humaine.
A Montreuillon, peu de gens étaient au courant de sa carrière militaire effectuée essentiellement, dans les maquis du Berry, outre-mer et en Provence, mais il était reconnu comme un intellectuel humaniste et discret, féru d'Histoire, généalogiste et doté d'une grande connaissance du Morvan.
Ami d'Antonin Bondat (l'écrivain Jean Séverin), il fut logiquement amené à se rapprocher de l'Académie du Morvan en tant que membre pour y rencontrer d'autres passionnés, travailler avec eux sur des thèmes intéressant la région et réunir un remarquable fond documentaire. Pour la petite histoire, c'est lui qui accueillit à l'Académie l'historien Christian Epin, aujourd'hui secrétaire général !
Il entreprit pendant plusieurs années, de reconstituer son arbre généalogique recherchant et vérifiant fiche par fiche aux archives départementales mais aussi dans les communes, disputant en les exhumant, des liasses datant de plusieurs siècles, qui servaient de repas aux rats ... Il retrouva 1200 ancêtres depuis le xvie siècle.
Une fois identifiés, il cherchait à comprendre sur le terrain comment ils vivaient. De routes goudronnées en chemins creux et finissant à pieds, il parcourut le Morvan jusqu'à s'y fondre.
Dans sa famille proche on trouvait des Partiot, des Parthiot et des Girard, mais aussi des Royer, des Dussaule et en remontant dans sa généalogie de façon non exhaustive, des Bertin, des Auribaud, des Blandin, des Branchereau, des Courdavaud, des Gaulon, des Goussot, des Graillot, des Nolot, des Perrin, des Petitguillaume, des Robert, des Taché, des Tartrat, des Tournois, des Thoumelin, etc. A l'orthographe près, beaucoup retrouveront leur nom !
On le disait "taiseux" et pourtant ceux qui savaient l'écouter n'étaient jamais déçus : il était passionné d'Histoire, aimait comparer les différents auteurs et se procurer les textes originaux. Quand il parlait de la bataille d'Esguilly, et ce jusqu'à son dernier jour, il transportait véritablement son interlocuteur en 1475.
Il écrivait mais ne s'interessa jamais à la publication de son travail : quelques pages dactylographiées destinées à ses enfants et à ceux que ça interessait, c'est tout !
Il disait qu'il n'était pas historien et cet homme qui avait contribué à son niveau à construire l'Histoire mondiale se montrait d'une grande modestie face aux gens de l'Art.
C'est aussi de cette époque que date sa fameuse affirmation "je crois fermement que ces parents du temps jadis tendent la main à leurs descendants pour les aider à traverser l'existence, pour peu que ces derniers les fassent vivre en leur mémoire".
Un jour il arriva dans une ferme au moment où le maître de maison rendait son dernier souffle. Le curé étonné lui dit : "je ne savais pas qu'il était de votre famille !". "Bien sûr voyons, les parents de nos arrières grands-parents étaient frère et sœur", répartit-il avec une impassible candeur !
Il avait beaucoup voyagé à travers le monde, rencontré maintes civilisations et il savait la chance de ceux qui avaient des racines. Il considérait que ceux-là avaient le devoir d'assurer une continuité de culture et de traditions en les pérennisant.