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Histoire

La bataille de Montreuillon

l'embuscade d'Esguilly du 20 juin 1475

Le Morvan d'antan


Comment la Bourgogne qui aurait pu être allemande est devenue française !


 

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Jean Partiot (1926-2013)

Colonel d'aviation, médaille de la libération et Commandeur de la Légion d'honneur, Jean Partiot servit son pays sur plusieurs continents au long d'une vie trépidante et dangereuse

Une fois en retraite, il replongea ses racines dans sa terre de Montreuillon

Il réalisa en particulier une généalogie riche de plus de 1200 fiches et remontant à 1543 : rares sont les vieilles familles de Montreuillon qui n'ont pas à un moment ou a un autre mélé leur sang à sa famille. Il vérifia des milliers d'actes et consacra beaucoup de temps à observer et comprendre par lui-même les lieux où avaient vécu ses lointains parents.

Un autre essai significatif intitulé "Sébastien Partiot, petit propriétaire au XIXe siècle" témoigne de la grande connaissance et de l'amour qu'il portait à son terroir et à ceux qui en vécurent

Malheureusement ces documents n'existent pour l'instant que sous forme dactylographiée en une quinzaine d'exemplaires destinés à sa famille

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Christian Epin

Né à Paris en 1954, Christian Epin, Docteur en Histoire moderne et contemporaine est un amoureux du Morvan. Il est propriétaire d'une résidence à Montreuillon.

Il a en 1989 écrit un livre intitulé "Montreuillon, la durée et l'instant"- Edition Parimage, constituant l'Histoire très complète de ce village.

Ses recherches, en particulier celles ayant abouti à la localisation de la bataille de 1475 permettent de rapprocher de la réalité certains aspects légendaires d'une tradition orale ancestrale.

Aujourd'hui Secrétaire général de l'Académie du Morvan il prépare une biographie sur le Duc de Praslin (1712-1785) Chatelain de Chassy (commune de Montreuillon) et Ministre de Louis XVI.

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Abbé Jacques Félix Baudiau

Né en 1809 à Planchez, près de Château-Chinon, mort en 1890, l'abbé Jacques-Félix Baudiau (il écrivit son nom Baudiot jusqu'en 1856) a exercé son ministère en majeure partie à Dun-les-places dans le Haut-Morvan.

Son oeuvre principale est "Le Morvand ou essai géographique, topographique et historique sur cette contrée" paru en 2 tomes en 1854, puis en édition plus complète en trois volumes en 1866 et enfin seconde réédition en 1990.

Malgré quelques erreurs, en général mineures, son ouvrage présente un reflet fidèle de la vie de la région.

Il a laissé le souvenir d'un homme de bien et d'un savant.

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Christian Bouchoux

Originaire du Morvan et professeur d'Histoire en région parisienne.

Il est l'auteur de plusieurs articles et travaux sur Arleuf et le Morvan sous l'ancien régime (société, population, généalogie, ...)

Membre de l'Académie du Morvan, il participe activement à l'organisation de la bibliothèque.

Il est concerné par tout ce qui est patrimoine du terroir morvandiau

 

Dans cette vieille maison de Montreuillon où lui-même enfant s'imprégnait de la parole des anciens, il était entouré de quelques uns de ses petits et arrières-petits-enfants.
Leurs yeux attentifs brillaient de l'imminence du mystère…
et "Jean-l'aviateur" racontait ... …!

 

Vous qui aimez Montreuillon, je vais vous conter le récit d'un combat très ancien.

Il se serait déroulé dans le village le 20 juin 1475 entre les armées du Roi de France Louis XI et celles du Duc de Bourgogne Charles le Téméraire.

Cette rencontre était importante :

  • De par le nombre de combattants impliqués : dix mille dans chaque camp, nous dit-on.
  • Ensuite parce que le combat de 1475 marqua pour Charles le Téméraire, le début d'une période de revers et à sa mort en 1477.

    C'était la fin du rêve de création d'un pays allant de la Savoie à l'actuel Danemark : la suite fut en effet l'éclatement de la Bourgogne et le rattachement du nord à la "maison de habsbourg" et de la seule partie sud à la France.

  • Enfin en ce qui nous concerne, parce que l'affrontement principal eut lieu dans le champ d'Esguilly qui appartenait encore à la famille il y a quelques décennies.

 

L'événement militaire était connu depuis longtemps, mais sa localisation était source de discussions. Les travaux de J.R. de Chevanne et plus récemment ceux de Christian Epin permirent de confirmer, ce que la tradition orale dans le village affirmait.

Chacun se souvient certainement avoir étudié les luttes incessantes de cette période entre le Roi Louis XI et son cousin le Duc de Bourgogne ...

Si d'aventure certains étaient distraits quand l'instituteur en avait parlé, je les invite à cliquer sur l'adresse ci-dessous. et ensuite je parlerai de la bataille de Montreuillon dont l'issue fut scellée par l'embuscade des champs d'Esguilly.

 

 → En savoir plus sur les relations chaotiques
entre les Rois de France et les Ducs de Bourgogne
  …

 

Louis XI
Louis XI
dit l'universelle aragne
(portrait anonyme)
Charles le Téméraire
Charles le Téméraire
(Musée des Beaux arts de Dijon)

 

 

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La bataille de Montreuillon

Préliminaires

Au printemps 1475, alors que Charles le Téméraire assiégeait Neuss en Allemagne, le Roi Louis XI demanda à Jean II, Duc de Bourbon, d'intervenir depuis le comté de Nevers contre les troupes de Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne.

Les opérations s'organisèrent, munitions et ravitaillement furent transportés depuis la région de Lyon (L. Blin, 1957).

Le Duc Jean II fournit 86 "lances"1.

Geoffroy de Chabannes, Seigneur de la Palice, se mit à la tête de 4000 francs-archers2 d'Auvergne.

Des soldats nivernais et divers détachements complètèrent ces troupes.

L'ensemble de l'armée, placée sous les ordres de Béraud de l'Espinasse, Seigneur de Combrondes, se mit en marche et rejoignit Corbigny par le Bazois. le commandement s'installa à Saint léonard.

Ce mouvement inquiètait évidemment le commandant bourguignon de la place de Château-Chinon. Il ne manqua pas d'avertir par deux fois les autorités ducales de l'imminence d'une attaque.

Effectivement des éléments des troupes royales venant de Corbigny via Montreuillon engagèrent le combat, s'emparant de la ville basse et des deux tours de la cité dans la journée du 4 juin 1475.

Mais l'armée du Duc de Bourbon forte de 10 000 hommes ne sembla pas tirer parti de cet avantage. Elle ne s'éloigna guère de sa position initiale.

La suite montrera que le Seigneur de Combrondes avait probablement des raisons majeures pour prendre une telle décision.

Le Maréchal de Bourgogne, Comte de Roussy, ne tarda pas dans les jours suivants à lancer une contre-attaque avec un nombre sensiblement égal de combattants.

Il disposait de canons, de "lances"1 de lombardie et de nombreux soldats rappelés par leur seigneur.

Il reprit facilement Château-Chinon et ses troupes se mirent en marche vers Corbigny, situé au nord-ouest.

Préliminaires

Localisation de la bataille

Si les historiens paraissaient d'accord sur cette première phase, il n'en était pas de même pour la localisation de la bataille du 20 juin suivant, affrontement qui se conclut par la lourde défaite des armées bourguignonnes.

L'abbé Baudiau affirmait que le combat s'était déroulé près de Sermages, au sud-ouest de Château-Chinon : "On y découvrit des fragments d'armes et des ossements humains" fournit-il comme unique explication.

Il pensait également que "Jean de Troyes", dans sa "Chronique scandaleuse" était dans l'erreur quand il localisait la bataille dans le "champ d'Eguy, ou du Roi, au nord de Château-Chinon".

Déférence gardée envers ce brillant érudit, il se trompait comme le démontrèrent J.R. de Chevanne dans les années 30 et Christian Epin en 1989. Ils accumulèrent des preuves indiscutables montrant que cette bataille décisive eut lieu à Montreuillon.

J. Robert de Chevanne rapporta en 1934 l'existence des éléments suivants :

  • une pièce comptable déposée aux archives de Lyon indiquant : "Au messager qui apportat les lectres et novelles envoyées par Monsr le bailliƒ, de la destroƒƒe des Borgoignons qui fut feyte à Chan Morillon , près de Chasteau Chynon". Il est incontestable que le nom de Morillon soit plus approché de Montreuillon que ceux de Sermages ou de Guipy qui ont été avancés.
  • Charlotte de Bourbon veuve d'Engilbert de Clèves relatant la prise de Chatillon-en-Bazois par les troupes de Louis XI fait allusion à la bataille de "Monƒoillon" au cours de laquelle le Comte de Roussy fut fait prisonnier. Il a été prouvé par ailleurs que cette mésaventure lui arriva bien le 21 juin 1475
  • Une requête émise contre l'ancien Procureur-général du Duché de Bourgogne affirmait "qu'ils luy imposèrent qu'il avoit esté cause que les Bourgoignons avoient perdue le journée de Monreullon"

J. Robert de Chevanne retrouva également en 1934 un texte de l'historien Etienne Baluze (1630-1718) rapportant en 1708, un arrêt du tribunal des maréchaux de France prononcé le 24 février 1500 relatif "au bénéfice de la rançon du Maréchal de Bourgogne fait prisonnier 26 ans plus tôt le 21 juin 1475 à la journée de Montreuillon sur l'Yonne". Le texte latin indique que le combat a eu lieu "in loco Montis Ruillonis" , là encore, Montreuillon !

Par ailleurs deux textes du même E. Baluze : l'un porte le titre :"Eclaircissement sur la journée de Mont-Reuillon, en nivernois, le 21 juin 1475" l'autre "Extraits du mémoire sur Béraud Dauphin - Recherches sur la journée de Mont-Reuillon, près la rivière d'Yonne, et sur la prise du Maréchal de Bourgogne le 21 juin 1475"

Enfin, J. Robert de Chevanne rapporta en 1937 un texte de Guichenon écrit en 1650 révélant que dans la quittance qu'il passa pour sa rançon "Claude de la Baume, Comte de Montrevel, fut fait prisonnier de guerre en 1476 (sic) à Montrolion par Geoffroi de Chabannes"

Christian Epin (1989) convaincu par ces arguments s'interessa également aux commentaires de l'abbé Baudiau relatif à "Jean de Troyes" cité plus haut. Il précisa qu'il s'agissait en réalité de "Jean de Royes", secrétaire du Duc de Bourbon. Ce dernier avait écrit en particulier que les troupes "avoient trouvé les Bourguignons à Guy, près de Château-Chinon".

Ce "Guy" mystérieux fut interprêté par Barante (1826) comme Guipy, localité située à l'ouest de Corbigny, donc loin de Château-Chinon. Rien ne permet, notre connaissance, de corroborer cette affirmation.

J.R. de Chevanne fit remarquer que, ni le Duc de Bourbon souffrant de la "goutte", ni son secrétaire n'avaient participé en personne aux affrontements : il est possible qu'un élément de leur armée ait rencontré des Bourguignons en fuite à Saint-Gy, petit hameau situé sur la route médiévale Montreuillon-Château Chinon et décrit cette escarmouche en se valorisant, comme d'autre encore trouvérent des fuyards vers Egreuil sur la route du Bazois ! De là à situer le centre de cet affrontement majeur dans ces localités, personne ne s'y est aventuré.

Mais il existe peut-être une autre explication. En effet, l'abbé Baudiau parle aussi du "champ d'Eguy". A travers ce terme (prononciation du Y : "i i"), on retrouve la prononciation de "champ d'Esguilly". Ce champ existe sur les hauteurs de Montreuillon, au dessus de la Roche-Ménard, en bordure de l'ancien chemin médiéval qui conduit de Château-Chinon à Corbigny. Ce qui confirmerait encore la thèse de Christian Epin.

 

 

Manœuvre des troupes bourguignonnes

Les troupes bourguignonnes, après avoir repris Château-Chinon, partirent à la rencontre de l'armée royale. Elles voulurent se mettre en route aussitôt que possible. le chemin le plus direct reliant Château-Chinon à Corbigny passait par Montreuillon et paraissait tout indiqué (voir carte). Une autre alternative aurait fait perdre un temps précieux, car l'ennemi était arrivé dans la région il y a plus de deux semaines déjà.

L'ensemble des opérations put être reconstitué en tenant compte des indications qui ont pu être retrouvées, sur la saison, la topographie des lieux. l'imagination emplissant les vides, raisonnablement. C'était le mardi 20 juin 1475, veille du solstice d'été, le plus long jour de l'année. Il ne faisait pas froid au mois de juin, et le chemin devait être praticable. les seigles commençaient à murir, des fleurs poussaient dans les prés, les arbres avaient toutes leurs feuilles. la forêt, qui couvrait la majeure partie du trajet offrait sa protection aux combattants.

L'armée de Charles le Téméraire avançait lentement, sa vitesse étant réglée par celle des troupes à pied, des canons, des chariots de matériels.

Comme à l'ordinaire, des patrouilles surveillaient les flancs de la colonne principale et suivaient des voies parallèles. Il se pourrait qu'elles aient rencontré, au cours de leur mission de protection, des petits éléments adverses et que se soient engagées des actions ponctuelles. Ne retrouve-t-on pas en effet dans le cadastre de 1839 la trace de certains lieux-dits dont le nom est bien significatif: le Bouchon des Forces, le pré des Forces, les Entesses3, les Fonds tués … !

En approchant de Montreuillon, le terrain offrait peu de déclivités. l'avance se poursuivait, mais une certaine inquiétude devait pourtant saisir quelques uns. Si l'armée en marche était dissimulée par les frondaisons, l'impunité n'était cependant pas totale. Dix mille hommes se déplaçant en une longue colonne ne peuvent guère passer inaperçus. De plus ils étaient gênés par les arbres mêmes qui les protégeaient, car ces derniers réduisaient souvent à quelques dizaines de mètres l'horizon de chacun. Ils étaient partis très tôt ce matin et souhaitaient surtout découvrir bientôt un village pour profiter d'une bonne halte, et peut-être bivouaquer dans les alentours avant de repartir pour une étape décisive.

 

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Manœuvre des troupes royales

Les troupes du Duc de Bourbon devaient être stationnées vers "la cabanne rouge" dans la forêt de Montreuillon pour se mettre en position le plus tard possible et éviter d'être dénoncées par quelques espions. Sans doute procédèrent elles à des mouvements de diversion. La distance de Château-Chinon à Corbigny ne dépassant pas sept lieues, l'information sur les déplacement adverses pouvait circuler rapidement.

La chute de Château-Chinon et la présence d'une importante armée bourguignonne étaient donc connues, ne serait-ce que par les divers comptes rendus des combattants qui s'étaient échappés de la ville ou les indications des petits détachements circulant dans la zone intermédiaire.

Elles pouvaient s'attendre à une attaque imminente mais le lieu de rencontre fut il fortuit ? Compte tenu de l'équilibre quantitatif des deux parties, sans doute de la valeur combative équivalente de l'une comme de l'autre, mais surtout de la défaite bourguignonne rapide et sans appel, il semblerait que la victoire de l'armée royale ait été la conséquence d'un plan préalable basé sur une excellente utilisation du terrain. Il fallait attendre l'ennemi et l'attaquer avant qu'il ait pu se ranger en ordre de bataille.

L'embuscade totale semble donc être l'hypothèse la plus probable. Arrivée la première, l'armée royale disposait de quinze jours pour mettre au point le dispositif. Elle attendrait que se présentent les groupes situés en tête de cette longue chenille qui s'étirait sur plusieurs kilomètres dans les bois. Sitôt que l'avant-garde aurait traversé l'Yonne et serait arrivée à mi-pente de La Roche Ménard toutes les troupes embusquées à Esguilly, artillerie, archers, cavalerie et infanterie seraient engagées simultanément pour provoquer la panique. Ensuite il faudrait profiter d'une supériorité numérique temporaire pour pousser les fuyards vers Saint Maurice où d'autres surprises les attendaient !

De nombreux guetteurs étaient donc postés sur des observatoires, des arbres en général, à partir desquels ils pouvaient donner l'alerte. les cavaliers avaient choisi les meilleurs emplacements pour charger, les archers se dissimulaient derrière les accidents de terrain. Tous attendaient leur proie, installés non loin du chemin ou sur les collines formant un vaste cercle, à l'ouest ou au nord dans une zone jalonnée par les hauteurs de Champcommeau, Saint-Maurice, les Ravends, le champ d'Esguilly1, Oussy, Marigny. Ils surveillaient les voies d'accès, les gués, les ponts où pouvait apparaître l'ennemi.

le combat était organisé à partir de deux châteaux distants d'un millier de toises (environ 2 km), sans obstacles masquant la visibilité entre eux. L'un, au sud, était implanté sur l'éperon de Saint-Maurice; l'autre situé en lisière nord du champ d'Esguilly, protégeait l'entrée du chemin de Corbigny.

Si le premier est bien connu, le second semble ne figurer sur aucun document, si ce n'est sur des photos aériennes qui laissent distinguer des traces de fondations de bâtiments. La tradition locale a toujours cru en ce château. Lorsque ces terrains appartenaient à notre famille, au cours de la première partie du xxe siècle, le grand-père Etienne avait cherché à en retrouver les traces. Il avait creusé de-ci de-là avec sa pioche de paysan, en vain d'ailleurs. Il ne disposait, ni de moyens suffisants, ni d'argent, ni certainement des connaissances nécessaires pour conduire avec un maximum de chances de succès ses investigations.

Ceci n'empêche pas la famille d'avoir pris l'habitude, génération après génération, au cours des promenades avec les petit-enfants, d'emmener ces derniers dans le champ d'Esguilly, afin qu'ils frappent le sol de leurs pieds en certains points qui "sonnent creux" au dessus des caves du château ! On leur montra la source, jamais tarie, qui servait à l'alimentation en eau. On leur fit constater la présence de pierres taillées, d'une quarantaine de centimètres d'arête, formant encore des pans de murs. Un peu plus loin, des murets de pierres, taillées également, mais beaucoup plus petites s'ajoutant au reste, prouveraient s'il en était besoin, que ce château n'était pas un mythe.

 

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Attaque en conséquences

La bataille s'est probablement engagée près du château, puisqu'il sera question par la suite de "Guy", d'"Esguy", ou d'"Esguilly", mais aucune fouille n'a été entreprise depuis celles, bien modestes, du grand-père Etienne.

Ceux qui connaissant les lieux se représentent bien ce qu'ont pu ressentir les Bourguignon qui soudainement reçurent une pluie de flèches et des boulets d'artillerie, virent les cavaliers dévaler la pente, suivit par des hordes de soldats hurlant et brandissant vouges, pics, épées et couteaux de toutes sortes et bien décidés à s'en servir !

Ebranlés par le choc, les combattants cherchaient à se regrouper afin d'organiser une contre-offensive, mais ils étaient gênés par la pente, il fallait traverser la rivière et l'ennemi sortait de toutes les forêts avoisinantes. La seule possibilité semblait être de se regrouper vers Saint Maurice pour présenter un front cohérent … mais Béraud‑Dauphin y avait pensé aussi, la colonne ennemie était coupée, l'élite de l'armée bourguignonne et ses chefs prestigieux s'enfonçaient sans le savoir dans la nasse … !

 

 

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Le gros des soldats étaient des paysans requisitionnés. La panique commençait à gagner. Cette avant-garde, comme dans toutes les armées de cette époque, était formée de soldats aguerris commandés par des chefs de qualité.

Elle constituait le fer de lance dans les combats et pourtant elle fuyait !

C'est pourquoi, en ce jour de 1475, on imaginerait mal les soldats qui suivaient, le gros de la troupe, en fait des paysans arrachés à leur terre pour répondre aux obligations seigneuriales, s'efforcer de jouer les héros à tous prix.

Gageons que ces habitués du braconnage et de la vie en forêt, qui se savaient condamnés s'ils étaient pris, eurent vite fait de se fondre dans le paysage !

L'armée toute entière se débandait, la nouvelle se répandait rapidement tout au long de la colonne, ajoutant encore à la confusion.

 

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Y a-t-il eu deux mille morts dont 200 cavaliers lombards (Barante, 1826) , comme ce fut écrit ? Difficile à prouver ! D'ailleurs, le chiffre n'aurait-il pas été quelque peu amplifié pour magnifier encore l'exploit ?

L'objectif était quand même plus de capturer des nobles pour en tirer rançon que de les massacrer. Ils étaient tués seulement s'ils résistaient plus que de raison !

Bien sûr l'avenir était plus sombre pour la "valetaille" sans valeur marchande qui entourait ces personnages …

Car l'exploit était une réalité. l'armée de Charles le Téméraire était en fuite, et la qualité de certains prisonniers mettait en évidence l'ampleur du résultat.

Il y avait le Maréchal de Bourgogne, commandant des troupes, Gérard de longwi, Seigneur de Pagny, des membres de la famille de Chalon : Louis, Seigneur de l'Isle-sous-Montréal, Bernard, Seigneur de Grignon, Charles, Comte de Joigny, Jean Regnier, Seigneur de Montmercy et Bailly d'Auxerre, le Seigneur de Chaligny, fils du gouverneur de Franche-Comté, Jean de Damas, Chevalier de la Toison d'Or, etc. Une victoire totale !

Un aspect de la statégie adoptée mérite encore quelques commentaires. En effet, ne faut-il pas s'étonner du manque de combativité apparent d'une armée, dont les éléments avancés avaient pénétré victorieusement dans Château-Chinon, qui avait reçu l'ordre d'attaquer les bourguignons, et qui attendait pendant deux semaines que l'ennemi puisse se préparer au lieu de continuer sa percée ?

Ne peut-on imaginer que le Seigneur de Combrondes connaissait les risques graves des pièges possibles pendant qu'il traverserait le Haut-Morvan ?

Compte tenu du résultat atteint, et c'est ce dernier qui compte, n'a t-il pas préféré tendre lui-même une embuscade bien conduite en attirant son adversaire vers les champs d'Esguilly ?

Le Morvan a toujours été un pays propice à ce genre de combats. Pour deux événements qui se sont déroulés à des siècles de distance, il est de rappeler la résistance des Eduens aux troupes romaines après la conquête de la Gaule par César en 52 avant Jésus-Christ, ou encore la lutte des morvandiaux contre les troupes allemandes en 1944.

les uns comme les autres ont su parfaitement utiliser les conditions offertes par la géographie locale.

 

 

Jean Partiot Académie du Morvan
le xxie siècle venait de naître en Morvan !

 

 

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Bibliographie

  • Blin L., 1957,Notes sur deux chemins anciens de Lyon au Charolais - Annales de Bourgogne 113 : 7-22 - t.xxix
  • Blin L., 1976, Recherches sur un chemin médiéval - de l'Yonne à la Loire par Vezelay et Moulins-Engilbert - Bull. de la Société des Sciences de l'Yonne, 106:17-38
  • Baudiau JF. , 1854 et 1867. Morvand ou Essai géographique, topographique et historique sur cette contrée, 1re édition en 2 volumes, 1854, nouvelle édition en 1866 en 3 volumes, Ed. Fay père et fils - Nevers. rééditée en 1990 Ed. Aleï - Voillot, Clamecy.
  • Beaujeu-Garnier J., 1950, Le Morvan et sa bordure Ed. PUF, 288 p.
  • Bonnamour J., 1966, Le Morvan - La terre et les hommes Ed. PUF, 454 p.
  • Bouchoux C.Académie du Morvan, 2014, Vivre et mourir en Morvan - du xvie au xviie siècle - 1re partie : Les approches topographiques et démographiques, Bull. Acad. du Morvan, n° 77, 72 p.
  • Bruley J., 1973, Le Morvan coeur de la France - Géographie, Histoire, Littérature, t. I, Ed. La Morvandelle, 571 p.
  • Chevanne J.R. de, 1934, Les guerres en Bourgogne de 1470 à 1475 - Étude sur les interventions armées des français au Duché sous Charles le Téméraire, Ed A. Picard Paris, 352 p.
  • Chevanne J.R. de, 1937, Episodes des dernières luttes au duché de Bourgogne (1470 - 1475), Association bourguignonne des sociétés savantes - 12e congrès, Dijon 26 au 28 mai 1935 - p. 45
  • Epin C.Académie du Morvan, 1989. Montreuillon - La durée et l'instant, Ed. Parimage, 247 p.
  • Fréminville J. de,1887, Les Ecorcheurs en Bourgogne (1435 - 1445) - Étude sur les compagnies franches au xve siècle. 1re réedition, 2012, Ed. Le livre numérique-Lorisse Paris, 274 p.
  • Michel-Lévy A., 1898, Le Morvan et ses attaches avec le massif central, In: Annales de Géographie, t. 7, n°36:404-428.
  • Michel-Lévy A., 1899, Le Morvan et ses attaches avec le massif central, In: Annales de Géographie, t. 8, n°37:6-21.
  • Renault E., 1953, Contribution à l'Histoire de Moulins-Engilbert, Ed. Chassaing Nevers, 198 p.

Documentation numérique

 

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Notes

  1. Lance : une "Lance" était composée de 6 hommes - 1 cavalier bien protégé par une armure, armé d'une épée et d'une lance. Il était assisté par 5 hommes : 3 archers, 1 coutilier et 1 page. Charles le Téméraire y ajouta un arquebusier
  2. Francs-archers : Charles VII compris que les défaites françaises contre les anglais étaient dues en grande partie au défaut d'archet (et plus tard face à Charles le Téméraire, d'artillerie) il promulga la "petite ordonnance" le 28 avril 1448 prévoyant que chaque paroisse de 50 à 80 feux fournisse un homme équipé d'un arc ou d'une arbalète et entrainé. Moyennant quoi il était dispensé de la "taille" et de toute charge et paye 4 Francs /mois de service actif. Mais ce corps non-permanent était mal commandé, mal organisé et peu efficace. Ils furent responsables de la défaite de Guinegatte (1479) contre Maximillien d'Autriche époux de Marie de Bourgogne. Louis XI dissous l'institution en 1481.
  3. Entesser : signifiait bander un arc ou donner un coup

 

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