Les troupes du Duc de Bourbon devaient être stationnées vers "la cabanne rouge" dans la forêt de Montreuillon pour se mettre en position le plus tard possible et éviter d'être dénoncées par quelques espions. Sans doute procédèrent elles à des mouvements de diversion. La distance de Château-Chinon à Corbigny ne dépassant pas sept lieues, l'information sur les déplacement adverses pouvait circuler rapidement.
La chute de Château-Chinon et la présence d'une importante armée bourguignonne étaient donc connues, ne serait-ce que par les divers comptes rendus des combattants qui s'étaient échappés de la ville ou les indications des petits détachements circulant dans la zone intermédiaire.
Elles pouvaient s'attendre à une attaque imminente mais le lieu de rencontre fut il fortuit ? Compte tenu de l'équilibre quantitatif des deux parties, sans doute de la valeur combative équivalente de l'une comme de l'autre, mais surtout de la défaite bourguignonne rapide et sans appel, il semblerait que la victoire de l'armée royale ait été la conséquence d'un plan préalable basé sur une excellente utilisation du terrain. Il fallait attendre l'ennemi et l'attaquer avant qu'il ait pu se ranger en ordre de bataille.
L'embuscade totale semble donc être l'hypothèse la plus probable. Arrivée la première, l'armée royale disposait de quinze jours pour mettre au point le dispositif. Elle attendrait que se présentent les groupes situés en tête de cette longue chenille qui s'étirait sur plusieurs kilomètres dans les bois. Sitôt que l'avant-garde aurait traversé l'Yonne et serait arrivée à mi-pente de La Roche Ménard toutes les troupes embusquées à Esguilly, artillerie, archers, cavalerie et infanterie seraient engagées simultanément pour provoquer la panique. Ensuite il faudrait profiter d'une supériorité numérique temporaire pour pousser les fuyards vers Saint Maurice où d'autres surprises les attendaient !
De nombreux guetteurs étaient donc postés sur des observatoires, des arbres en général, à partir desquels ils pouvaient donner l'alerte. les cavaliers avaient choisi les meilleurs emplacements pour charger, les archers se dissimulaient derrière les accidents de terrain. Tous attendaient leur proie, installés non loin du chemin ou sur les collines formant un vaste cercle, à l'ouest ou au nord dans une zone jalonnée par les hauteurs de Champcommeau, Saint-Maurice, les Ravends, le champ d'Esguilly1, Oussy, Marigny. Ils surveillaient les voies d'accès, les gués, les ponts où pouvait apparaître l'ennemi.
le combat était organisé à partir de deux châteaux distants d'un millier de toises (environ 2 km), sans obstacles masquant la visibilité entre eux. L'un, au sud, était implanté sur l'éperon de Saint-Maurice; l'autre situé en lisière nord du champ d'Esguilly, protégeait l'entrée du chemin de Corbigny.
Si le premier est bien connu, le second semble ne figurer sur aucun document, si ce n'est sur des photos aériennes qui laissent distinguer des traces de fondations de bâtiments. La tradition locale a toujours cru en ce château. Lorsque ces terrains appartenaient à notre famille, au cours de la première partie du xxe siècle, le grand-père Etienne avait cherché à en retrouver les traces. Il avait creusé de-ci de-là avec sa pioche de paysan, en vain d'ailleurs. Il ne disposait, ni de moyens suffisants, ni d'argent, ni certainement des connaissances nécessaires pour conduire avec un maximum de chances de succès ses investigations.
Ceci n'empêche pas la famille d'avoir pris l'habitude, génération après génération, au cours des promenades avec les petit-enfants, d'emmener ces derniers dans le champ d'Esguilly, afin qu'ils frappent le sol de leurs pieds en certains points qui "sonnent creux" au dessus des caves du château ! On leur montra la source, jamais tarie, qui servait à l'alimentation en eau. On leur fit constater la présence de pierres taillées, d'une quarantaine de centimètres d'arête, formant encore des pans de murs. Un peu plus loin, des murets de pierres, taillées également, mais beaucoup plus petites s'ajoutant au reste, prouveraient s'il en était besoin, que ce château n'était pas un mythe.